Réforme du collège : le fiasco québécois Louise Cuneo

Elle s’appelait le « Renouveau pédagogique ». La politique éducative lancée au Québec en 1997 et mise en place en 2005 n’a pas apporté les résultats escomptés, loin de là. L’objectif affiché était pourtant fort louable : permettre aux garçons et aux élèves en difficulté de mieux réussir, et diminuer le décrochage scolaire. Son principe reposait sur l’approche par compétences, l’interdisciplinarité, l’introduction de « domaines généraux de formation qui font référence aux enjeux sociaux actuels » (« Santé et bien-être, Orientation et entrepreneuriat, Environnement et consommation, Médias ainsi que Vivre-ensemble et citoyenneté », des intitulés proches de ceux des Enseignements pratiques interdisciplinaires mis en place en France à la rentrée prochaine)…

Un argumentaire qui ressemble à s’y méprendre à la réforme du collège française, dont les mots-clefs sont identiques. Dans l’Hexagone, la réforme annoncée est largement décriée : nivellement par le bas, fin annoncée de la plupart des classes bilangues et européennes, affaiblissement de l’enseignement des langues anciennes, interdisciplinarité imposée au détriment des enseignements disciplinaires purs… Autant d’arguments brandis par ses nombreux détracteurs, qui s’appuient désormais de plus en plus sur l’expérience québécoise pour tenter de faire reculer le ministère.
Résultats en baisse et hausse des inégalités

En effet, le « Renouveau pédagogique » québécois a été un échec retentissant. Une évaluation de cette politique éducative s’est déroulée de 2007 à 2013, sur 3 724 jeunes et 3 913 parents, répartis en trois cohortes distinctes, dont deux seulement étaient soumises à la réforme. Les conclusions de l’équipe de chercheurs de l’université de Montréal, dirigée par les professeurs Simon Larose et Stéphane Duchesne, sont sans appel. Les résultats scolaires ne se sont pas améliorés avec la réforme : ils ont légèrement baissé en maths, et ont diminué plus nettement en français, malgré l’ajout de 150 heures d’enseignement entre la 6e et la 4e.

Les élèves performants n’auraient pas trop souffert de cette réforme, contrairement à ceux les plus vulnérables, comme les garçons et les jeunes issus de milieux défavorisés, dont les résultats ont nettement diminué, et qui ont été moins diplômés dans le secondaire que ceux qui n’étaient pas passés par ce « Renouveau ». « L’écart entre les cohortes exposées au Renouveau et la cohorte contrôle s’est accentué pour les élèves jugés à risque par leurs parents et pour ceux fréquentant des écoles de milieux défavorisés », assure l’étude : l’objectif de lutte contre les inégalités n’a donc pas été atteint. Mais ce n’est pas tout : les élèves ont également développé une vision plus négative de l’école, tout comme leurs parents.

Et le rapport de recommander d’élever le niveau culturel et de remettre en place des enseignements pluridisciplinaires, pour améliorer les performances du système scolaire. En somme, un retour aux bonnes vieilles méthodes. Celles que nous nous apprêtons à abandonner en France.

Voir aussi : "Au Québec le Renouveau Pédagogique n’a pas amélioré l’Ecole"
Approche par compétences, nouveau référentiel croisant les disciplines, appui aux fondamentaux : les piliers du Renouveau pédagogique québécois ont-ils amélioré les résultats scolaires ? Une étude dirigée par Simon Larose et Stéphane Duchène de l’Université de Montréal rend un verdict sévère pour la réforme. Globalement le niveau des élèves est un peu moins bon, celui du climat scolaire également enfin les parents un peu moins satisfaits. L’étude impacte la politique scolaire de Québec. Par ricochet elle touche aussi les réformes qui s’en inspirent. Par exemple la notre...
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Ver en línea : Le Point