Crise universitaire

Sauver l’Université ? Vingt-neuf personnalités lancent un appel pour "refonder l’université"

por (Bernard Boriello)

Mon attention vient d’être attirée par un article, publié dans le Monde (14.05.09), intitulé "Vingt-neuf personnalités lancent un appel pour "refonder l’université".
Des signatures prestigieuses y pointaient la nature du mal : "la concurrence déloyale" (sic) que leur faisaient les classes préparatoires, les IUT et les BTS qui drainaient vers elles les meilleurs candidats, sélectionnés sur dossier [1]

Sous couvert de démocratisation et excipant d’une expertise pour encadrer la recherche qu’eux seuls sont censés détenir, les signataires de cet article omettent étrangement de préciser que "certaines universités délivrent des assignats en guise de diplômes, car elles veulent tout simplement fidéliser leurs étudiants pour maintenir leurs effectifs, leur enseignement et surtout leur budget" [2].

Pour ne pas cantonner la querelle au seul monde des enseignants, j’ai décidé de publier l’avis d’un ingénieur de terrain, qui lui-même recrute des ingénieurs, pour faire connaître les attentes d’un employeur de haut niveau. Voici ce que lui inspire le "néo-libéralisme" dont on crédite toute tentative de réforme de l’Université, fût-elle aussi critiquable que celle qui est en cours :

"1) le fait de savoir depuis 20 ans que l’Université est moins performante que les autres filières ne joue pas en faveur des membres de cette université (des directeurs jusqu’au professeurs). Qu’attend donc tout ce corps enseignant pour auto-définir les moyens d’améliorer ses performances et, par là même, l’attrait de leur université ?
Qu’on me permette une anecdote : ma tante qui emballait des ampoules de médicaments à la chaîne chez Ronchèze savait qu’il fallait éviter l’Université... C’était il y a ... 40 ans de ça.

2) les droits de scolarité de la plupart des écoles d’ingénieurs ne sont pas excessifs (la mienne ENSI Toulouse n’a pas coûté 7000 euros par an, ni même 700. C’était de mémoire 300 francs (francs !) par an de frais d’inscription).

3) Eh oui, définitivement, c’est la faute des universités si elles délivrent des diplômes au rabais, parce que celles qui ne le font pas (e.g. Dauphine en sciences économique) conservent l’employabilité de leurs diplômés. Et si les étudiants fuient certaines filières, c’est peut-être parce qu’il finit par se savoir qu’aucune entreprise n’embauchera les étudiants qui en sortent. Alors est-ce la faute des vilaines entreprises du privé si elles veulent des jeunes embauchés prêts à l’emploi, tout comme on veut confier sa plomberie, sa toiture, et sa voiture à des artisans compétents ?

4) A contrario, quoi de plus naturel que les artisans qui réalisent des produits mal finis, inutilisables, bons pour le rebut, voire carrément falsifiés, se voient eux-mêmes dévalorisés et mal payés ? Et pourquoi n’en serait-il pas de même lorsque ces artisans sont des commis de l’État ? "Ce n’est pas leur faute, c’est la faute de l’État." Eh bien le "consommateur", c’est à dire l’employeur potentiel de ces étudiants, n’en a cure. Il en veut pour son argent.

Pour le coup, j’affiche une opinion personnelle : on ne me fera pas croire que toute la hiérarchie de l’Enseignement est la VICTIME innocente de phénomènes externes. Je ne crois pas non plus à une forme de complot. Je crois plutôt qu’il y a un immense relâchement de la volonté collective de bien faire son boulot, sauf quelques îlots de bonne volonté à côté d’une masse de comportements défaillants, que j’ai pu observer y compris chez des gens issus de l’enseignement privé, est-il besoin de le préciser !

5) Douter que le budget de l’Enseignement soit le premier poste de dépenses de l’Etat, même dans une période où il devient urgent de restreindre les dépenses publiques, me paraît soit une pure provocation, soit un aveuglement doctrinaire.

6) A ceux qui se posent la question de savoir s’il faut prendre en compte les besoins des entreprises..." : je réponds, oui, cent fois oui ! Quelle plus noble mission faut-il donc fixer à l’Université ? Celle de fabriquer des experts en élucubrations inexploitables ? Mais c’est ça qui est hallucinant ! L’Université est au service du pays, de sa réussite économique, pas l’inverse. En quoi y aurait-il un libéralisme coupable là-dedans ? C’est ça la source du divorce entre les candidats et l’Université !"


Voilà qui va faire grincer des dents. ça donnera au moins du boulot aux dentistes dont on attend curieusement plus de technicité que les psycho-pédagogues.