Banco! L’Espagne, ruinée, mise tout sur des casinos et des parcs à thèmes pharaoniques 04 déc. 2012 par Audrey Duperron

Barcelona World en Catalogne ; Ferrari Parc à Valence, Paramount Studios Park à Murcie et une réplique de Las Vegas à Alcorcon, dans la banlieue de Madrid ; L’Espagne est en train de jouer son va-tout sur des parcs à thème démesurés, rapporte le journal suisse le Temps.

Bercelona World, un parc à 6 thèmes représentant chacun une région du monde (les Etats Unis, l’Europe, la Chine, l’Inde, la Russie et le Brésil) proposera des casinos, des hôtels géants, des bureaux et des restaurants. Construit à Salou, sur la côte Catalane, il devrait coûter pas moins de 4,7 milliards d’euros, générer la création de 20.000 emplois, et attirer 10 millions de touristes chaque année. La construction devrait débuter l’année prochaine pour une ouverture en 2016.

C’est Enrique Bañuelos, un célèbre promoteur espagnol, qui est derrière le projet du Barcelona World. Avant la crise de l’immobilier, il était de tous les projets : hôtels de luxe, belles villas, casinos et immeubles avec vue sur mer. En 2006, la valeur des actions de sa société, Astroc, avaient été multipliée par 10. L’année suivante, il déposait le bilan. Parti au Brésil, le promoteur a fait fortune dans l’agro-alimentaire, la gestion immobilière, et les biocarburants, puis il est retourné en Espagne. Avec son parc à thème, la Catalogne espère qu’elle pourra se sortir de son marasme.

A Alcorcon, dans la banlieue madrilène, le milliardaire américain Sheldon Adelson envisage de construire un complexe à la Las Vegas comprenant 6 casinos, 12 hôtels pour une capacité de 36.000 chambres, et 3 terrains de golf. Ce projet mégalomane serait évalué à la bagatelle de 16,9 milliards d’euros, et il devrait permettre la création de 170.000 emplois au cours de la prochaine décennie.

La construction du complexe a été freinée par les autorités, faute d’argent à y consacrer, mais qu’à cela ne tienne : tout est fait pour que le projet avance tout de même. Sur le plan législatif, on vote de nouvelles lois pour autoriser les paris de mineurs ou d’anonymes, la création de zones fumeurs dans les casinos, et un code du travail spécifique, interdisant la présence de syndicats.

« Cette frénésie qui a été présentée comme une sinécure dissimule beaucoup de mensonges et de chausse-trappes juridiques », affirme Ana Sanchez, une architecte qui conteste le projet de casinos d’Adelson. « Ce projet n’est pas viable sur une terre aride. Il va réclamer autant d’électricité que la ville de Saragosse et autant d’eau qu’une ville de 70.000 personnes », critique-t-elle.

D’autres s’inquiètent de la rentabilité de ces parcs. Où l’Espagne ruinée va-t-elle trouver l’argent nécessaire pour la réalisation de ces projets pharaoniques ? « Adelson ne finance que 35% du projet. Le reste devra être payé par nos banques, qui ont déjà du mal », s’inquiète Maria Fernandez, une économiste. Quant à la Catalogne, elle est endettée à hauteur de 42 milliards d’euros et elle a dû réclamer un prêt de 5 milliards d’euros au gouvernement fédéral pour faire face à ses obligations financières de cette fin d’année.

Et la réussite n’est pas garantie. Sur les 20 dernières années, les parcs à thème ont rarement prospéré en Espagne. « Ils extrapolent mécaniquement ce qui a marché aux Etats Unis. Là-bas, les parcs remplacent les villes, quand il n’y en a pas ; mais ici, le réseau urbain est très dense », note Jose Miguel Iribas, un sociologue.

« Nous nous sommes effondrés plus durement que les autres en raison des secteurs de l’immobilier et de l’industrie des loisirs. Et voilà que l’on s’apprête à remettre ça, et à retomber dans les mêmes pièges », déplore Gaspar Llamazares, un député du parti de la Gauche Unie. Il n’empêche. Artur Mas, le président de la région Catalogne, et la Caixa Bank, qui possède les terrains pour le Barcelona World, demeurent optimistes. « Ce sera la meilleure destination de l’Europe du Sud », promettent-ils.

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