Crisis

José Luis Rodriguez Zapatero s’engage à "changer le modèle économique" de l’Espagne

LE MONDE | 24.11.09. Madrid Correspondant

L’Espagne devrait retrouver la croissance "à tout moment". A défaut d’être précise, la formule dont use désormais le gouvernement espagnol pour évoquer la sortie de crise dénote un regain d’optimisme.

Certes, l’Espagne est l’un des rares pays européens à ne pas avoir encore renoué avec la croissance, enregistrant au troisième trimestre une nouvelle contraction de son économie (- 0,3 %) tandis que, pendant la même période, la zone euro a connu une reprise de 0,4 %. Mais, a affirmé, lundi 23 novembre à Madrid, la ministre de l’économie, Elena Salgado, "personne ne doute" que le produit intérieur brut (PIB) recommencera à progresser dans l’année qui vient, "et avec plus de force encore en 2011".

Pour le chef du gouvernement socialiste, José Luis Rodriguez Zapatero, "la reprise est déjà là" ; il suffit de lui "donner de la puissance". Pour cela, le conseil des ministres devrait adopter, vendredi 27 novembre, un ambitieux paquet de réformes destiné à "changer le modèle de croissance économique du pays", jusque-là trop dépendant de la construction et des services. La future "loi sur l’économie durable", dont M. Zapatero a donné quelques lignes directrices lundi, ne sera pas seulement un énième plan de soutien, mais un "changement de cap" pour mettre l’Espagne "en condition de retrouver une croissance économique vigoureuse".

L’accent sera mis sur "les secteurs stratégiques en matière de développement durable du point de vue environnemental et social" : énergies renouvelables, éducation, recherche, etc. L’idée est de créer un cadre stable et efficace pour accompagner les entreprises dans leurs efforts d’internationalisation, en modernisant l’administration publique et en réformant le système financier. Parmi les réformes nécessaires à cette "nouvelle stratégie", M. Zapatero a évoqué la lutte contre l’endettement privé, une collaboration public-privé dans l’investissement et la gestion des infrastructures, des incitations fiscales à l’innovation.

Le dirigeant espagnol n’a pas dévoilé le financement de cet ensemble de réformes, alors que le déficit public espagnol devrait atteindre 10 % du PIB à la fin de l’année. L’instauration d’un fonds de 20 milliards d’euros public-privé a été évoquée il y a quelques semaines. Pour ce projet "visant l’horizon 2020", qu’il détaillera la semaine prochaine au Congrès des députés, M. Zapatero espère obtenir "un consensus" des partenaires sociaux et de l’opposition. Cela lui permet au moins de faire taire les critiques sur la gestion de la crise par le gouvernement au sein du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE).

L’Espagne n’est toutefois pas près de voir le bout du tunnel. Tous les analystes prédisent qu’elle sera l’une des dernières économies à retrouver la croissance. La situation de l’emploi reste l’une des pires en Europe avec plus de 4 millions de chômeurs (20 % de la population active). "La tendance va se poursuivre en 2010 et probablement en 2011", a expliqué, lundi à Madrid, le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, Joaquin Almunia. Pour lui, "les réformes structurelles sont inévitables en Espagne".

La plus urgente, selon la plupart des observateurs, est celle du marché du travail. Cheval de bataille du patronat, qui voit dans une flexibilité accrue un remède au chômage, le sujet a longtemps été tabou pour les syndicats et le gouvernement. Vice-présidente économique du gouvernement, Elena Salgado admet désormais la nécessité d’introduire "des éléments de souplesse, comme la réduction du temps de travail ou la modération salariale, dans le domaine de la négociation collective". Interrompu avant l’été sur les négociations salariales, le dialogue entre les syndicats et le patronat vient à peine de reprendre.

Enfin, 2010 devrait donner lieu à la refonte du système financier que la Banque d’Espagne appelle de ses voeux depuis des mois. Après avoir bien résisté à la crise des subprimes, les banques espagnoles souffrent de la montée des impayés due à l’éclatement de la bulle immobilière. De douloureuses restructurations de caisses d’épargne locales sont en cours dans la plupart des communautés autonomes du pays. "Il est prévisible que l’année sera compliquée pour certains établissements financiers", a averti la ministre de l’économie.

Jean-Jacques Bozonnet
Article paru dans l’édition du 25.11.09

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