Aztèques
Grandeur et décadence d’un souverain aztèque
LE MONDE | 08.10.09
Londres Envoyée spéciale
Empereurs bâtisseurs, empereurs destructeurs. Le British Museum achève un cycle d’expositions consacrées aux figures de pouvoir en présentant dans son ancienne salle de lecture "Moctezuma, souverain aztèque", soit l’histoire de la splendeur et de la déchéance de la civilisation aztèque /.../
"Le Mexique en particulier est en train de réécrire la Conquista, un épisode de son histoire qui a été raconté par les Espagnols, tombés dans le Nouveau Monde sur des "peuples sauvages", selon l’opinion commune. Aujourd’hui, explique le directeur du British Museum, cette façon de lire l’histoire n’est plus possible." /.../
Dans cette perspective géopolitique, l’exposition consacrée à Moctezuma II (1467-1520) a fait le choix de la pédagogie. Tout y est expliqué. L’aigle-soleil et son dos creusé pour déposer les entrailles des sacrifiés, le coeur de diorite, prêté par le Musée national d’anthropologie de Mexico, le calendrier aztèque, avec ses dix-huit mois de vingt jours et ses cinq jours supplémentaires par an... Le commissaire, Colin McEwan, a voulu éclairer salle par salle l’expansion aztèque et le destin d’un chef suprême anéanti sans résistance par les Espagnols.
Yeux de mystère
La première salle rappelle l’arrivée des Mexica en 1325, venus du nord pour créer Tenochtitlan, l’ancienne Mexico, sur un immense lac, plus tard totalement asséché. Schémas, cartes, coupes, cartels impeccables où tous les glyphes qui ornent les pierres ou les statues sont traduits. L’exposition londonienne séduit davantage par son accessibilité et sa rigueur que par la profusion. Peu de pièces sont exposées, mais certaines sont remarquables, tels le Teocalli de la guerre sacrée (1507), un bloc de pierre sculpté de plus de 1 mètre de haut, encore jamais sorti du Mexique, ou le serpent à double tête incrusté de turquoises et de nacre, ainsi que des masques de divinités constellés de pierres vertes, aux dents immaculées et aux yeux de mystère (1400-1521).
Seconde séquence : Moctezuma II est fait roi en 1502. Il est représenté avec les attributs du pouvoir, des bijoux, des instruments de musique, des palais. Cette saga est racontée par le dessin et l’écriture, dans les codex indigènes, le Codex Aubin (1576) par exemple, très belle pièce appartenant au British Museum, qui narre l’histoire des Aztèques depuis le départ d’Aztlan jusqu’à l’arrivée des conquérants espagnols. L’empereur est un demi-dieu, qui a des comptes à rendre aux vrais dieux (troisième salle) : celui de l’eau, Tlaloc, et du serpent-oiseau Quetzalcoatl... Les liens de son peuple avec la nature, le soleil, la pluie, le sol, sont étroits : le souffle du vent et les cris d’oiseaux, ainsi que d’agaçants sons de corne sont proposés en fond sonore.
L’empire aztèque s’étend, et en 1519, au moment où Cortes et ses hommes débarquent sur la côte orientale, il traverse le Mexique d’est en ouest.
Cet événement est précédé de signes et de catastrophes - des comètes de feu, l’apparition d’un homme à deux têtes, celle d’un oiseau portant un miroir dans l’oeil... Autant d’indices de la fin prochaine de l’empire (sixième section). Les Espagnols n’ont plus qu’à venir (septième). En 1520, Moctezuma II est mis aux fers par les hommes de Cortes, sans qu’aucun des siens ne réagisse.
Pourquoi ? Une très belle série de tableaux, peints entre 1680 et 1700 et incrustés de nacre, empruntés au Musée du Prado de Madrid, racontent les relations entre le souverain aztèque et les conquistadors, comme si on y était - mais près de deux siècles plus tard. Car voilà bien l’histoire d’un décalage majeur : nous avons beaucoup appris sur les Aztèques par le biais des Espagnols. Comme nous avions beaucoup appris sur Teotihuacan, la métropole sacrée du centre du Mexique (100 avant J.-C. - 600 après J.-C.), par les Aztèques, arrivés près d’un millénaire plus tard.
"Moctezuma, Aztec Ruler" (Moctezuma, souverain aztèque). British Museum, Great Russell Street, Londres (Angleterre). Tous les jours, de 10 heures à 17 h 30. 12 £ (13,30 €). Jusqu’au 24 janvier 2010. Catalogue, British Museum Press, 320 p., 25 £ (27,60 €). Sur Internet : www.britishmuseum.org.