Política

La question nationale domine le lancement de la campagne électorale en Espagne

(actualisé le )

LE MONDE. 28.09.07. MADRID CORRESPONDANTE.

Pas une semaine ne s’achève, en Espagne, sans que des controverses autour de symboles identitaires ne mettent en évidence les crispations nationalistes. Elles ne simplifient pas le lancement de la campagne du président du gouvernement socialiste espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, dont la majorité sera soumise à renouvellement en mars 2008.

Redéfinir l’articulation politico-territoriale du pays afin d’apaiser ces tensions était l’un des objectifs principaux du chef de la Moncloa (siège du gouvernement) à son arrivée au pouvoir. Mais l’"Espagne plurielle" qu’il avait en tête s’est heurtée au parcours compliqué du nouveau statut de la Catalogne, déféré au Tribunal constitutionnel, et à l’échec de la négociation avec l’ETA. Les incidents continuent de se multiplier dans les régions où la revendication nationale est forte. Un jeune Catalan, Jaume Roura, a comparu devant un juge pour avoir brûlé des photos du roi à l’occasion de la visite de Juan Carlos à Gérone, en Catalogne, le 13 septembre. Le 18 septembre, des députés nationalistes catalans, basques et galiciens brandissaient dans l’hémicycle du Parlement, à Madrid, des maillots aux couleurs des équipes sportives "nationales" pour réclamer leur droit de jouer dans des compétitions internationales.

Depuis que, fin juillet, le Tribunal suprême a rappelé que le drapeau espagnol devait orner les façades de tous les bâtiments publics du pays, la droite s’indigne que des mairies basques ou catalanes fassent fi de cette obligation. Elle utilise chaque épisode autour de symboles nationaux pour questionner le bilan du président du gouvernement.

Pour contrecarrer cette campagne, M. Zapatero a commencé à faire appel, lui aussi, à une symbolique patriotique - campagnes de presse ostensiblement signées "gouvernement d’Espagne", logo gouvernemental relooké en rouge et jaune. En Espagne, depuis le franquisme, cette symbolique est fortement connotée de conservatisme, voir d’autoritarisme. C’est le cas du drapeau lui-même. Sa conservation fut l’un des compromis de la transition à la démocratie après la mort de Franco, en 1975.

Depuis, la gauche peine à oublier l’usage qu’en avait fait la dictature, et elle en conserve une méfiance à fleur de peau. Au début de l’année, la majorité socialiste s’était indignée de "l’appropriation sectaire des symboles nationaux" par l’opposition, qui, dans ses manifestations, déploie force bannières rouge et jaune et fait retentir l’hymne national.

La droite accuse M. Zapatero d’avoir, par sa politique, radicalisé les nationalismes régionaux. En Catalogne, traditionnel réservoir de voix pour la gauche, l’atmosphère s’est dégradée cet été. Une série de défaillances des grands équipements - une panne électrique géante à Barcelone, la pagaille chronique dans les trains de banlieue, l’engorgement des autoroutes - a renforcé les Catalans dans le sentiment d’avoir été défavorisés par l’Etat dans la répartition des investissements. Elle a poussé les nationalistes a se jeter dans une compétition "au plus souverainiste", dans l’espoir de capter le mécontentement populaire.

Le chef des nationalistes de centre droit de Convergencia i Unio, Artur Mas, a proposé de regrouper toutes les formations nationalistes, de droite et de gauche. Son concurrent de la gauche indépendantiste, Josep-Lluis Carod-Rovira, appelle à la tenue d’un référendum d’autodétermination en 2014... date du 300e anniversaire de la chute de Barcelone devant les Bourbons.

Au Pays basque, le président de l’exécutif régional, Juan José Ibarretxe, membre du Parti nationaliste basque, au pouvoir depuis vingt-cinq ans, s’est dit décidé à organiser un référendum d’autodétermination, y compris si l’ETA continue d’organiser des attentats. "La transition démocratique a été un moment propice pour un pacte postnationaliste. La pression des nationalismes basque et catalan et la crispation "espagnoliste" sous José Maria Aznar ont effrité ce projet", estime Fernando Vallespin, président du Centre (public) d’investigation sociologique.

Cécile Chambraud

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