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La Bolivie, terre indienne ? Jean-Noël Jeanneney

La Bolivie, cet État enclavé au centre de l’Amérique latine, attire la curiosité. Une curiosité qui s’est ravivée l’an dernier, en 2019, lorsqu’Evo Morales, son président depuis 2006, s’est trouvé brutalement contraint de quitter le pouvoir et de s’enfuir en exil. Ce fut l’occasion de rappeler qu’à l’exception du Mexicain Juarez, dans les années 1860, il s’agissait là du seul amérindien qui ait accédé à la tête d’une nation de ce continent.

La majorité de la population de la Bolivie est d’origine indienne, à proportion de cinquante-cinq pour cent, et cette majorité vient d’être ainsi représentée à la tête du pays par l’un des siens.

Mon invité, Yves Saint-Geours, historien et diplomate, connaît le passé et le présent de l’Amérique latine mieux que quiconque. Je vais donc mobiliser sa compétence en remontant avec lui jusqu’aux temps lointains d’une civilisation antérieure même à l’empire inca.

Ce sera pour considérer les effets de la colonisation espagnole, la nature d’une indépendance acquise par l’épée de Bolivar, dont le nom est ici perpétué, les guerres effroyables qui ont amputé ce territoire en lui coupant l’accès à l’Océan, les conséquences politiques et sociales de l’exploitation des richesses du sol, l’argent, l’étain et le pétrole, la place enfin de la coca, essentielle depuis toujours.

On sait aussi qu’au milieu du XXe siècle passe l’ombre de Che Guevara, puisqu’il trouva là la mort que chacun connaît et qui le transforma en figure christique pour plusieurs générations.

Voici donc la Bolivie, entre caudillisme et indigénisme, entre repli sur soi et affirmation d’une vocation universelle, entre violentes luttes de classes et aspiration à une modernité démocratique.

Une Bolivie dont la spécificité ne peut pas se comprendre sans que soit restituée une histoire qui est lourde de malheurs mais qui est riche aussi d’expériences qui portent l’espoir.

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