Front Populaire - Michel Onfray

L’Ecole républicaine est désormais une fiction

’enseignant Jean-Paul Brighelli, auteur de La fabrique du crétin (Jean-Claude Gawsewitch, 2005), explique comment l’école est devenue étrangère à l’idéal républicain.

Si la promesse de l’école de la République est d’amener chacun au plus haut de ses capacités, alors disons-le tout net : cette école n’existe plus depuis trente ans. Depuis que la Loi Jospin (1989), apocalypse molle qui a ouvert la voie au Protocole de Lisbonne (2000) et autres « socle commun de connaissances et de compétences » (2005), a proclamé qu’il fallait que les élèves, désormais, reconstruisent seuls des savoirs entrevus sans doute dans une grotte néo-platonicienne.

Le mal vient de plus loin. René Haby — futur ministre de l’Education de Giscard, européen convaincu —en a planté les germes dès 1965, en privilégiant l’oral plutôt que la langue écrite pour étudier le français. Exeunt La Fontaine ou Hugo. Bienvenue à Pierre Perret et MC Solaar. Exit aussi la Nation, via l’exit de la culture française. Il fallait préparer Maastricht.

Haby et Giscard, en décidant d’imposer le « collège unique » (1975), et en le couplant avec le regroupement familial, nourrirent l’hydre. Aplanir les programmes et les exigences fortifiait les inégalités de situation. Ceux qui, chez eux, parlaient un français approximatif seraient encouragés à « s’exprimer » : on fit de cette consigne un impératif majeur, là où précédemment on exigeait surtout le « silence », le mot le plus prononcé par les pédagogues à l’ancienne, à qui la moutarde montait facilement au nez. Ceux qui arrivaient avec un vocabulaire varié et une syntaxe décente garderaient ainsi une avance décisive, car la grammaire ne s’enseignait plus, elle se déduisait. On pouvait bien conserver des concours « républicains », ils étaient vidés de toute perspective d’égalité des chances. L’égalité scolaire proclamée, en conspuant tout élitisme, entérinait les inégalités sociales et linguistiques.

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