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Le nouveau monde ou le choc des civilisations au temps des conquistadors Marcos de Niza

Le nouveau monde, tome 1, L’épée du conquistador - Dargaud, 56p, 13,99 euros.

L’histoire a tout d’un scénario à succès. Étrange que Hollywood, si friand d’épopées historiques, ne s’en soit pas saisi. «Le premier homme blanc qui rencontra les Indiens était noir», promet la quatrième de couverture. Pas si faux. Reste que la vraie épopée est plus complexe.

Retour dans les années 1530. Le continent américain n’est qu’un vaste mystère. Les Espagnols se sont établis à Tenochtitlan, l’actuelle Mexico. Ils tentent de rayonner et de convertir au catholicisme les populations autochtones. Les conquistadors repoussent toujours plus loin les limites du monde connu, là où les périls côtoient les rêves. Poussés par la couronne d’Espagne, ils tentent de découvrir les cités d’Or.

Marcos de Niza, jeune envoyé du pape un peu idéaliste, part à la découverte des territoires du Nord, vers ce qui deviendra l’Arizona aujourd’hui. Il est accompagné d’un esclave affranchi, un Maure du nom d’Esteban de Dorantes, possiblement originaire de l’actuel Maroc.

L’Histoire a retenu que ce téméraire éclaireur «noir» fut l’un des quatre rescapés (sur un équipage de 400 personnes) d’une expédition maritime aux confins de l’actuelle Floride, huit ans plus tôt. Un aventurier téméraire, donc, qui repart dans l’inconnu. Si l’on était chargé du casting, on penserait sûrement à un Denzel Washington ou à un Will Smith pour ce rôle de Lucky Luke en armure. Le destin de ce duo se lie à celui de Doña Isabel. Elle aussi a existé. Il s’agit de la fille d’un empereur aztèque vaincu. Elle est promise à un sanguinaire conquistador, ce qui ne la réjouit guère et elle s’échappe.

François Armanet, rédacteur en chef à L’Obs, Jonathan Helpert, réalisateur et Xavier Coyere, dessinateur livrent, avec Le Nouveau monde, une aventure haletante à l’époque des conquistadors, où le récent choc des civilisations - européenne et indigène - complique tout. Un savant témoignage d’une époque tourmentée.

À gauche, Doña Isabel - visage angélique aux airs de Pocahontas - rencontre le jeune prêtre Marcos de Niza, lors de son premier banquet officiel chez le vice-roi d’Espagne. «C’est un jeune intelligent et idéaliste. Plutôt que de rester paysan, il est rentré dans les ordres. C’est un élève de Bartholomé de las Casas. Il avait des dispositions intellectuelles», raconte François Armanet. À l’époque, tous les membres de l’Église n’avaient pas d’intentions belliqueuses envers les autochtones.

Malgré tout, nos deux héros partagent leur table avec de nobles aztèques et des conquistadors sanguinaires, nouveaux riches d’une société en pleine évolution: «Ce ne sont pas encore les fastes de la Renaissance, mais le début d’un empire où l’or coule à flots», note le scénariste. En effet, la couleur ocre, reflet d’un éclairage à la bougie, rappelle davantage les teintes des banquets du Moyen Âge.

Dans cette prison dorée, la princesse garde les attributs d’une ascendance noble, digne devant son assiette vide, déterminée à ne pas se mêler aux festivités. Face à elle, la simplicité monacale du jeune homme illustre le fossé entre deux mondes.

«Doña Isabel, c’est le produit d’un grand empire brutal qui baigne malgré tout dans les forces de la nature. Elle est un pont entre deux cultures. Elle peut avoir un côté prétentieux. Ce n’est pas n’importe qui. Ces deux personnages, on pourrait penser que ce sont des amoureux. Mais ça ne va pas être si simple...». Côté graphisme, le trait expressionniste de Xavier Coyere relaie ce contraste.

Le nouveau monde, tome 1, L’épée du conquistador - Dargaud, 56p, 13,99 euros.

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