La réforme du collège pousse des milliers de professeurs dans la rue

Les manifestants étaient au moins 8.000 à arpenter les rues de Paris selon la préfecture, 15.000 selon les organisateurs. Pour beaucoup d’entre eux, la réforme portée par la ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem ne fera qu’accroître les inégalités. Une poussette et des ballons jaunes. Florent et Marjolaine ont fait le déplacement du Mans, avec leurs deux enfants de 6 ans et 3 mois. Il est chercheur à l’université du Mans, elle professeur d’allemand. Faute d’heures suffisantes à assurer son établissement, elle est remplaçante depuis deux ans, appelée à boucher les trous dans un rayon de 150 km. «La fin des classes bilangues est écrite depuis un moment, dans l’unique but de faire des économies, explique-t-elle. La suppression de l’option latin permettra aussi d’en faire, en redéployant ces heures sur le français». «Des filières élitiste se sont peut-être créées à Paris et en banlieue autour du latin et des classes bilangues. Mais ce n’est pas le cas en province, estime Florent. Cette réforme va à l’encontre de toute méritocratie. Elle va créer un appel d’air en faveur du privé». «Cette réforme va créer un appel d’air en faveur du privé» A l’appel d’une intersyndicale faite du Snes, le syndicat majoritaire du second degré, du Snalc, de FO, Sud et de la CGT (soit 80% de la représentation syndicale enseignante), entre 8.000 et 15.000 personnes (suivant les estimations respectives de la préfecture de police et des syndicats) ont défilé ce samedi 10 octobre dans les rues de Paris, entre Port Royal et la Rue de Grenelle pour demander l’abrogation de la réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem. Un texte, passé par décret en mai dernier, qui supprime les classes bilangues et sections européennes, met fin à l’option latin et qui propose parallèlement de donner davantage d’autonomie aux collèges (20%) et met en place les fameux «EPI». Des «enseignements pratiques interdisciplinaires» qui doivent, selon la ministre, «révolutionner les pratiques» des enseignants, via un travail collaboratif. Et qui réduisent de fait les horaires de chaque discipline. Dans le défilé, flottent massivement les banderoles du Snes, mais aussi des drapeaux allemands, pour défendre les classes bilangues. Beaucoup de tenues antiques également et des slogans inspirés: «Vade Retro Najatas-Satanas», «Professeur, pas fossoyeur, recrutée pour enseigner les humanités, pas pour les dénaturer», «Nation sans racine, nation fantôme». Ou plus simplement: «Avant, j’étais prof de latin». «Enterrons la réforme avant qu’elle ne nous enterre» explique une pancarte suspendue au-dessus d’un cercueil. Une mise en scène imaginée par le Snalc, dont les militants ont revêtu l’habit noir. Le cortège aussi compte dans ses rangs, Nicolas Dupont-Aignan, le président de Debout la France ou encore l’essayiste Jean-Paul Brighelli. «On veut que nos enfants puissent aller dans des classes bilangues ou faire du latin» Après trois journées de grève des professeurs contre la réforme du collège, en mai, juin et septembre, cette marche nationale entendait dépasser le monde enseignant. Dans le cortège, la FCPE est très présente. Pourtant la première fédération de parents, proche du parti socialiste, soutient, au niveau national, la réforme de la ministre de l’éducation. Les fédérations locales, au plus près des réalités, ne partagent visiblement pas le même point de vue. «On veut que nos enfants puissent aller dans des classes bilangues ou faire du latin», résume Carole, de la FCPE du 91. Il n’y a pas suffisamment de parents aujourd’hui car ils ne sont pas informés. Le rectorat de Versailles a refusé que nous mettions un mot dans le carnet de correspondance», ajoute-t-elle. Jean-Philippe Garcia, le président de la FCPE Marseille, ne mâche pas ses mots: «la position nationale, on s’en fout! On défend nos adhérents. Après l’échec des rythmes scolaires à Marseille, deuxième ville de France, on nous demande de croire à la parole de l’Etat? En donnant plus d’autonomie aux établissements, cette réforme va accroître les inégalités». Arrivée vers 16h près du ministère, où les gendarmes mobiles bloquent l’accès. Ni la ministre, ni son directeur de cabinet ne recevront les syndicats enseignants. Pas plus qu’elle ne l’a fait lors des grèves. «Ce n’est que le début. Le mouvement est plus profond, estime pourtant Albert-Jean Mougin, vice-président du Snalc. Il en veut pour preuve le récent sondage Ifop pour SOS Education, dans lequel 61% des 1009 personnes interrogées se disent opposées à la réforme. Une large majorité (66%) dénonce la diminution des horaires de langues anciennes, y compris chez les sympathisants de gauche (58%). Quelque 63% des Français déclarent soutenir les manifestants, dont 53% chez les sympathisants de gauche.

Ver en línea : lefigaro.fr