Opinion

Réforme du collège : la dernière estocade ? Claude Bourrinet

Il arrive que l’on craigne longtemps le pire, et, un jour, le pire arrive, et l’on s’est tellement habitué à lui, par petites touches conceptuelles, par doses homéopathiques, par préliminaires frigidifiants, que l’on est à peine surpris quand il vous tombe sur le crâne. C’est ainsi que cette fameuse réforme de l’éducation, la vraie, la finale, comme aboutissement d’une longue maladie, est parvenue à la phase terminale où seuls les derniers sacrements subsistent comme ultimes gestes d’espoir.

On s’y prit comme des maîtres es arts charlatanesques. D’abord on fit croire qu’on supprimerait les langues anciennes, les langues vivantes autres que l’anglais, qu’on abolirait une partie du programme d’Histoire etc., suscitant ainsi l’ire des tenant d’une École républicaine. Cet écran de fumée ne faisait qu’accaparer l’attention, et les médias y insistaient trop pour que ce fût honnête. De fait, on ne toucha pas trop à leur existence, et Charlemagne sera bien étudié.

En revanche, on débattit moins sur les EPI, Enseignements Pratiques Interdisciplinaires, qui sont le véritable cheval de Troie de la secte pédagolâtre.

Cette approche scolaire n’est pas une nouvelle lubie, qui s’ajoute à d’autres pour compliquer l’existence des enseignants. D’abord parce qu’elle dévorera 20 % du temps global d’enseignement, et qu’elle se résoudra, bien souvent, au nom d’une autonomie supposée de l’élève, à des activités creuses et inutiles. Mais aussi, parallèlement à des heures « d’accompagnement » censées décloisonner les classes et le niveaux traditionnels, elle contraindra à dissoudre la transmission disciplinaire dans une logique uniquement utilitaire, où le culturel, les savoirs théoriques, la mémoire patrimoniale passeront à la trappe.

Les commentaires qui soulignent ce bouleversement mesurent ce qui se déroule réellement. Dans le milieu, on parle de « révolution », de rupture radicale avec l’enseignement séculaire, voire millénaire, qui a fait la civilisation européenne. Lorsqu’on prétend faire travailler « autrement », il faut évaluer la tâche en fonction de ce qui est l’aune du libéralisme triomphant, c’est-à-dire le laisser faire. L’élève étant au centre du système, le professeur devient inutile, et avec lui ce qu’il portait de valeurs humanistiques.

Ces maquignons de foire ont réussi – pour le moment – à vendre leur Rossinante. Ce qu’ils nous proposent, par leur rhétorique creuse, ce n’est ni « la réussite », ni « l’épanouissement ». Leur ludisme est celui des plaisirs artificiels, comme la drogue qu’ils voudraient légaliser. Tout se tient, tout est cohérent, l’École comme les mœurs, la destruction de la Nation, donc de la volonté, et la corruption par des stimuli énervants.

L’École va devenir un Paradis artificiel où on fera croire qu’on accède aux arcanes du monde, quand on ne fera que s’enivrer du gros rouge de la démagogie. Et on oubliera.

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