Jean-Luc Mélenchon "à la recherche du temps et de la momie" d’Atahuallpa "La fête de la momie perdue"

Sur les pas de la momie disparue

J’ai raconté comment j’ai appris la découverte de la dernière « tombe » de l’Inca Atahualpa en lisant un article sur le sujet dans « Science et Vie » en voyage de retour depuis Strasbourg. Il faut m’imaginer à présent embarqué dans un quatre-quatre pour m’y rendre a la surprise de tous ceux à qui j’ai dû demander le moyen d’y aller. La vérité est que presque personne ne sait de quoi je parle quand j’aborde le sujet ici. On m’avait annoncé une heure trente pour m’y rendre, il a fallu cinq. Je ne dis rien de la piste, du raccourci en chemin de chèvre, et, par-dessus tout, de l’angoisse de voir le temps passer avec le risque d’avoir à faire le chemin du retour dans la nuit et la brume. Mais la magie des paysages avait tout compensé. Le mieux restait à venir. C’est cette rencontre avec l’historienne qui a fait la découverte, Madame Tamara Estupinan. Je la trouve à l’heure au rendez-vous, claudicante mais rayonnante. On vient de lui opérer la hanche et elle marche pour l’instant avec une canne. Rude contrainte pour une femme sportive car c’est aussi une cycliste. On se met à table comme si on s’était quitté de la veille et on se tutoiera quasi aussitôt. On vient vite au récit de ce qui nous réunit en mangeant des aiguillettes de poulet au quinoa trempées dans du miel. Elle me raconte comment elle a mené son enquête. Elle sait ce qu’elle cherche : la momie de l’inca Atahualpa. Car celui-ci n’a accepté le baptême qu’en échange de la promesse que son corps ne soit pas brulé. Pizarro a promis. Le plus urgent pour lui c’est d’accroitre la soumission des indiens en liquidant la dernière autorité dont ils pourraient disposer. Et cet Atahualpa est un rude politique qui n’a pas trouvé ses galons dans une pochette surprise. Pizarro applique à Atahualpa la sentence d’un jugement ridicule. Il lui est, par exemple, reproché l’assassinat de son demi-frère Huscar, concurrent pour le trône. Et c’est un envahisseur qui le fait ! On lui reproche aussi un rejet blasphématoire de la Bible. C‘était le jour où on lui avait dit qu’il entendrait par ce moyen la voix de dieu. Après avoir approché de son oreille le livre, Atahaulpa l’aurait jeté en disant « je n’entends rien ». Les Espagnols passent Atahualpa au garrot. Puis l’histoire se brouille. Mais on sait que le corps disparait. On connait le nom de celui qui le prend en charge. Il n’y a aucun doute que celui-ci ait fait aussitôt momifier le mort. Cette momie c’est un trésor dont on ne peut se figurer l’importance. Elle est autant institutionnelle que religieuse pour les Incas. On ne peut prendre la succession au trône de l’Inca si l’on n’a pas l’accord de la momie de son prédécesseur. Donner une chance à la dynastie fracassée par ses luttes internes et par le désastre de la conquête espagnole, c’est avant tout sauver le corps d’Atahualpa, c’est-à-dire sa momie. Ces sortes de momies ont d’ailleurs un statut spécial. Elles sont présentées aux yeux de tous dans un lieu qui leur est réservé. On les consulte. La momie a ses serviteurs. Elle est promenée. Elle rend visite à d’autres momies. Bref, la momie continue la fonction de celui qui en est l’origine. Alors, où la momie d’Atahualpa a-t-elle été emmenée et cachée si bien que les Espagnols ni personne ne la retrouva jamais au cours des quatre siècles derniers ? /.../

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La fête de la momie perdue

’ai raconté dans mon précédent post comment l’enquête de l’historienne Tamara Estupinan avait permis de retrouver le lieu où la momie du dernier Inca, Atahualpa, a résidé en grande pompe pendant de nombreuses décennies, en Équateur, au nez et à la barbe des conquérants espagnols. Mais elle n’y est plus. Ou est-elle ? Un commentaire m’apprend que « France 3 » a rediffusé un documentaire sur l’enquête de madame Estupinan au moment même où paraissait mon post. Cette heureuse coïncidence m’encourage autant que le bon accueil de mes lecteurs pour ce récit un peu décalé où je continue la réflexion politique par d’autres moyens. J’ai évoqué ma visite sur ce lieu fascinant. Je n’ai pas encore dit que cet endroit est dans l’État de Cotopaxi. Cette précision n’apprend certes rien à mon lecteur. Mais elle me permet de montrer comment se fabrique ici les noms de lieux dans l’univers inca. « Cotopaxi » signifie « le cou de la lune ». Car, comme on le devine, à une certaine époque, la lune apparaît à l’aplomb de la montagne comme un visage sur son cou. Même magie de l’évidence pour le lieu-dit « Malki Matchai », nom qui signifie « le nid de la momie » dont j’ai raconté l’enquête qui a permis la découverte. J’ai déjà dit qu’elle importance une momie comme celle d’Atahualpa avait dans le système du pouvoir de la société inca. Dans la situation particulière
de l’époque on peut penser que cette importance était démultipliée /.../

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