M Blogs - Snes - Snalc

Bac 2013 : la « galère » des oraux de langues vivantes - LANGUES VIVANTES : LA NOUVELLE EPREUVE ORALE 21 février 2013

C’est cette année que les conséquences de la réforme du lycée, arrivée en terminale en septembre 2012, vont se faire sentir sur le baccalauréat. Sujet sensible s’il en est, aussi bien pour les enseignants que pour les élèves et leurs parents. Parmi les nouvelles épreuves, les oraux de langues vivantes inquiètent particulièrement le SNES-FSU, syndicat majoritaire parmi les enseignants du second degré, qui, dans un communiqué daté du 21 février, n’a pas hésité à titrer : « bac 2013, une galère pour les élèves et les profs ». « On ne conteste pas le bienfondé d’une évaluation des langues à l’oral, c’est la désorganisation, la précipitation dans laquelle cela se fait qui pose problème », explique Valérie Sipahimalani, secrétaire nationale du SNES en charge du secteur lycée.

Pas d’ inquiétude concernant la série L : « Les bacheliers passeront les oraux au cours d’épreuves terminales, il ne devrait donc pas y avoir de difficulté organisationnelle, même si on peut s’interroger sur la durée de l’épreuve », poursuit Valérie Sipahimalani. 40 minutes, il est vrai que c’est long… Les craintes se concentrent sur les séries ES, S et technologiques. Deux types d’épreuves sont prévues, valant pour la moitié de la note de langue vivante. D’abord une épreuve de compréhension de l’oral (10 minutes), « dans le cadre habituel de formation de l’élève » précise le ministère de l’éducation nationale, organisée au cours du deuxième trimestre sur des supports - audio ou vidéo - que les enseignants devront sélectionner. L’élève écoute un document sonore, puis écrit un texte en français pour montrer qu’il l’a compris. Seconde épreuve, l’expression orale (10 minutes également), organisée au troisième trimestre. « L’élève se présente avec des sujets préparés en classe, et prend part à une discussion à bâtons rompus avec son enseignant », explique Valérie Sipahimalani.

Une dose de contrôle continu ?

« Son » enseignant ? C’est là où le bât blesse. Pour le SNES, ces épreuves ressemblent à du contrôle continu qui ne dirait pas non nom. Il y a huit ans, la seule évocation par François Fillon de l’introduction d’une dose de contrôle continu au baccalauréat avait précipité des milliers de lycéens dans les rues. Cette année en ce qui concerne les langues vivantes, les enseignants sont tenus d’organiser des épreuves pour leurs propres élèves, pendant leurs heures de cours, sans « soutien matériel » (banque de sujets, documents libres de droit...). « Cela demande, il est vrai, un vrai effort aux collègues, du travail en plus et un état d’esprit résolument positif », reconnaît Claire Krepper, du SE-UNSA, moins critique que le SNES sur le sujet. « Beaucoup d’enseignants sont dans le désarroi face à l’absence de cadrage pédagogique suffisant des épreuves, les exigences variées selon les langues, les académies, les inspecteurs... mais beaucoup, aussi, soutiennent le principe de l’oral au bac ». Pour le SE-UNSA, une « indemnité compensatrice » ne serait pas mal venue.

Dans certains établissements, des lycéens ont commencé à être évalués en février… et ça devrait durer jusqu’en mai.

Reste une question : est-il seulement possible, d’un point de vue matériel, de mettre en place, autrement qu’en cours de formation, des oraux pour les quelque 650 000 candidats au baccalauréat ? L’examen est déjà à la limite du gérable, avec ses 4 500 centres d’examens et ses 150 000 correcteurs.

Mattea Battaglia

LANGUES VIVANTES : LA NOUVELLE EPREUVE ORALE « Kafka, le retour » ou : « Les pavés glissants du chemin de l’enfer...»

En un mot : à partir du constat indiscuté de la faiblesse des élèves français en langues étrangères (dernier rang dans l’Union Européenne pour l’apprentissage de l’anglais (« Atlantico.fr » du 11 février 2013) ainsi que de la perte de crédit des LV au bac (souvent deux heures par semaine en classes de 1ère et Terminale), il a été décidé de modifier l’épreuve orale de la façon suivante (BO 43 du 24/11/2011, avec les annexes, et BO 9 du 01/03/2012) :

oral obligatoire pour tous les candidats de toutes les séries;

épreuve orale comptant pour la moitié de la note (et l’écrit pour l’autre moitié) ;

et comportant deux étapes pour les séries ES, S et technologiques:

compréhension de l’oral (= 25% de la note finale)

expression orale (= 25% de la note finale).

Compréhension de l’oral

Il s’agit d’une épreuve directement inspirée du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues, mais très simplifiée, voire dénaturée. Les élèves, en classe entière et sous la direction de leur professeur, écoutent 3 fois le même enregistrement sonore, éventuellement avec vidéo, d’une durée maximale de 90 secondes, puis disposent de 10 mn pour rédiger en français ce qu’ils en ont compris (explicite et implicite). Leur professeur corrigera et notera ensuite selon un barème imposé et qui laisse peu de place à son imagination ; les seules notes possibles en LV1 sont : 02, 06, 10, 16 et 20, et en LV2 : 04, 08, 12 et 20.

Les professeurs sont priés de créer (bénévolement) eux-mêmes leurs sujet...

Au hasard de la disparité la plus extrême régnant entre les Académies, on relèvera diverses recommandations et interdictions compliquant sérieusement la tâche des professeurs. Consultez par exemple le site de l’ADEAF (professeurs d’allemand), c’est édifiant !

Les professeurs pourront-ils vraiment s’empêcher de tenir compte des fautes de langue, d’orthographe, de syntaxe, lesquelles sont désormais parfois plus fréquentes en français que dans les langues quasi-phonétiques que sont l’allemand, l’italien, l’espagnol, le russe ?

Au moindre petit dérapage du professeur (respect absolu de la grille d’évaluation !), celui-ci se verrait contesté, voire plus, par les candidats et leurs parents (la judiciarisation progresse), ce qui pourrait entraîner une annulation de l’épreuve.

Anonymat du baccalauréat ? Un petit pas en arrière qui n’encouragera pas les professeurs à faire leurs courses près de chez eux !

Conclusion : les notes seront excellentes !

Expression orale

Les candidats devront avoir étudié au moins deux des 4 notions au cours de l’année et ils disposeront à l’issue de celle-ci des documents afférents vus en classe afin de les présenter lors de l’épreuve orale. Ils tireront au sort une des notions, auront 10 mn pour préparer, puis présenteront cette notion en 5 mn ; cette présentation sera suivie d’un entretien de 5 mn. Le tout dans la langue étudiée et sous la conduite d’un examinateur extérieur.

Note : les élèves de la série L présentent l’oral au cours d’une seule épreuve ponctuelle et terminale et sont interrogés par un examinateur extérieur sur une des notions pendant 20 mn (ou 30 mn en cas d’épreuve de langue vivante approfondie) après 10 mn de préparation.

Remarques

De nombreux professeurs de Terminale sont bien conscients des urgences en langues vivantes et ne contestent pas l’intention de renforcer l’épreuve orale.

Les raisons de leur colère sont ailleurs :

- Les 4 notions sont certes très intéressantes mais il est bien évident que beaucoup d’élèves sont incapables de traiter de tels sujets en langue étrangère et même, pour certains, en français. Conclusion : ils apprendront par coeur des banalités et des lieux communs en espérant que l’examinateur ne posera pas de question (il en posera, il est là pour ça) ; donc bachotage basique.

- Le barème destiné à gonfler les notes pour l’épreuve de compréhension de l’oral devrait favoriser les séries autres que L. Et les élèves de L, alors ? Quant à ce choix restreint à 4 ou 5 notes façon Loto, il est mal vécu par des professeurs qui n’admettent pas que le même candidat soit chaotiquement noté en langues et progressivement de zéro à vingt dans les autres disciplines ; jusqu’à aujourd’hui, les jurys étaient souverains dans leur notation. Sachant que cette épreuve vaudra le quart de la note finale, il eût été plus simple et diplomatiquement plus acceptable de proposer en séries ES et S une notation de 1 à 5 ; idem pour la seconde épreuve orale ; et de 1 à 10 pour l’écrit.

- Le surcroît de travail imposé aux examinateurs est calamiteux : non rétribué (eh oui, encore une tâche supplémentaire non rétribuée !!), fatiguant, chronophage, pris sur le temps disponible de ceux qui en ont encore, sinon sur le temps de travail normalement consacré aux autres élèves, assorti de contraintes diverses selon les Académies et surtout de celle-ci : pourvu que tout se passe bien et qu’il n’y ait pas de contestation !

Le SNALC-FGAF se doit de faire également remarquer que ces nouvelles tensions sont aussi malsaines que celles des années précédentes, causées par l’amoncellement progressif de tâches nouvelles non rétribuées. Nous comprenons bien que le nouveau ministère a du mal à faire virer de bord le lourd navire de l’éducation nationale, mais de plus en plus de collègues déplorent amèrement que « Le changement n’est toujours pas pour maintenant ». Le SNALC-FGAF rappelle à cette occasion qu’il n’avait pas manqué de critiquer la politique éducative du précédent ministre (Luc Chatel) et de faire des propositions que celui-ci a soigneusement ignorées avec ce résultat regrettable. Le syndicat s’étonne maintenant que cette « réforme » de L. Chatel soit aujourd’hui conduite par le nouveau ministère dont nous avions tout lieu de croire qu’il ne l’approuvait pas. Il eût été préférable de l’annuler purement et simplement pour en rester un an de plus à « l’ancien système » et de préparer sagement la suite.

Notre syndicat n’est pas le seul à réagir[1] : d’une certaine façon, cette situation crée l’unanimité. Par exemple, nous avons reçu une longue réaction d’une militante d’une autre organisation syndicale, dont nous publions ici deux extraits significatifs :

« Le constat est qu’en cette fin de deuxième trimestre, les collègues de langues sont amers, débordés, sceptiques, fatigués. Nous étions pédagogues, nous voilà promus (à salaire constant) ingénieurs du son, logisticiens, planificateurs (pas mal pour la VAE le jour où l’on souhaitera une seconde carrière !), accrochés à nos agendas, échangeant tableaux Excel et listes d’élèves, planifiant des oraux blancs avec l’assistant, et échangeant des kilomètres d’e-mails. Depuis longtemps déjà nos échanges tournent essentiellement autour de questions organisationnelles, groupes de compétences, répartition des heures de l’assistant, etc.. mais là c’est le pompon ! Voici pourquoi ça grince. »

« Le jour de l’épreuve, les élèves ont 5 minutes pour présenter oralement une notion travaillée sur plusieurs mois (+ 5 minutes d’échange avec le prof). De qui se moque-t-on ?? Un tel investissement pour 5 minutes de temps d’exposé ? (C’est pareil en L pour l’épreuve finale de Littérature en langue Etrangère). Côté prof, chacun évaluant ses propres élèves, un enseignant peut se retrouver avec une quinzaine d’heures d’oraux sans rémunération aucune alors qu’un collègue ayant majoritairement des groupes de 2nde et 1ère, ou des Terminale L non concernés par l’évaluation en cours d’année, y « échappera ». Ambiance.»

1 Voir les précédentes éditions de la Quinzaine Universitaire

Le SNALC-FGAF a demandé une audience à ce sujet.

Hervé GARLET, professeur d’allemand, membre du Bureau National.

Source

Ver en línea : Le Monde