Un examen discount pour un bac sans valeur !

Le niveau en langues étrangères des Français est faible. Seuls les Anglais et les Américains font pire. Pour y pallier, son évaluation au baccalauréat a été renforcée. A compter de cette année, elle se fera non seulement par un écrit terminal mais aussi à l’oral. On ne pourrait que s’en réjouir si l’Éducation nationale n’était, comme l’enfer, pavée de bonnes intentions.

Ainsi, cette évaluation reposera sur le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL). Or la logique du CECRL est purement linguistique. Il n’évalue que des compétences fonctionnelles et aucunement la culture. Exit Cervantès et Goethe, l’important est que le candidat sache réserver une chambre d’hôtel. Si cette logique convient à l’entreprise, pour laquelle ce cadre a été élaboré, il est inadapté aux exigences culturelles que le baccalauréat affiche encore. Sans compter que les notes des élèves devront traduire une maîtrise selon quatre niveaux. Ils ne pourront donc avoir que 2, 6, 10, 16 ou 20 en langue vivante 1 (LV1). Au vu des consignes de correction du baccalauréat ces dernières années, devinez quelles seront les notes les plus courantes ?

À l’exception de la série littéraire, les élèves seront évalués à l’oral pendant l’année. Par des professeurs du lycée où ils sont élèves, voire par leur professeur. Dans des langues comme l’allemand, le chinois, l’italien ou d’autres plus rares encore, il n’y a le plus souvent qu’un seul enseignant dans l’établissement. Et dans les autres langues, il est probable que l’enseignant connaisse l’élève même s’il ne l’a pas cette année-là. Adieu l’anonymat du baccalauréat. Vous ne vous entendez pas avec ce professeur ? Votre réputation vous dessert ? Dommage pour vous… Les sujets seront également des sujets locaux, conçus par les enseignants du lycée. Ce pourra être un extrait d’une pièce de Shakespeare ou un spot publicitaire. Adieu le caractère national du baccalauréat, bienvenu aux diplômes « maison ».

Le souci sous-jacent à ce système n’est pas une amélioration des performances linguistiques des Français. Il est de baisser le coût du baccalauréat. Le contrôle continu est moins onéreux, il se fait pendant les cours. En fait, à la place des cours. Hier, il ne concernait que le sport ; aujourd’hui les langues ; et demain ? Demain, nous aurons un examen discount qui débouchera sur un baccalauréat light : sans connaissance, sans effort, sans mérite mais aussi sans valeur. Un baccalauréat Canada Dry.

Pierre Van Ommeslaeghe, philosophe, le 8 janvier 2013

Ver en línea : Boulevard Voltaire