Littérature espagnole et hispano-américaine (Encyclopédie Larousse)

Littérature espagnole

Le sol de l’Espagne est un champ de bataille, sinon un creuset, de cultures et de langues diverses. Au Moyen Âge, le philosophe arabe Averroès et le théologien juif Maïmonide sont tout aussi espagnols que l’auteur du Poème de mon Cid. Et, aujourd’hui, la littérature de langue catalane représente encore une sensibilité et une expression originales face à l’Espagne castillane et centralisatrice.

Cultures croisées

À l’origine, la poésie espagnole d’expression arabe pénétra le domaine du provençal et influença la théorie de la « fin ’amor ». Les premiers vers lyriques espagnols (chansons mozarabes) apparaissent, au milieu du XIe siècle. Le XIIe siècle voit la littérature hispano-arabe et hispano-hébraïque céder devant une poésie épique d’expression castillane, empruntant ses formes à la chanson de geste française et ses thèmes non seulement à l’histoire mais à l’actualité espagnoles. Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, le roi Alphonse X rassemble les meilleurs savants (tant musulmans et juifs que chrétiens) pour dresser, en castillan, l’inventaire des connaissances historiques et scientifiques de son temps. Mais il écrit ses Cantiques de sainte Marie en galicien. On retrouve le même art composite au siècle suivant dans le Livre de bon amour de Juan Ruiz. Le thème lancinant de la fin du Moyen Âge, celui de la « Fortune », nourrit la méditation chrétienne de Juan de Mena, tandis que l’influence de l’Italie est partout présente dans le lyrisme affecté des grands seigneurs lettrés comme les marquis de Villena ou de Santillana.

Nouvel espace, littérature nouvelle

L’évolution de l’élite intellectuelle est cependant plus sensible dans l’élaboration continue que Fernando de Rojas fait subir à sa fameuse Célestine (1499) : cette « acción en prosa » passe d’un à vingt et un actes et du comique farcesque à l’analyse psychologique de la passion et à la peinture réaliste d’un monde quotidien loin de l’idéal amoureux et chevaleresque. C’est que l’Espagne de Christophe Colomb, de Charles Quint et d’Ignace de Loyola prend conscience d’elle-même. Le Romancero devient le conservatoire des caractéristiques nationales : noblesse, galanterie, mais aussi forfanterie et ostentation. Aux chevaliers errants ont succédé les conquistadores. Mais la conquête s’achève en exploitation, et l’empire entreprend de durer non par l’action héroïque mais par la bureaucratie. La littérature enregistre le reflux et entreprend un bilan : la subtilité des intrigues de cour suscite l’utopie pastorale (Garcilaso de la Vega, Montemayor) ; la violence et la rapacité d’un monde suspendu à l’arrivée des galions de la flotte des Indes créent une aspiration nouvelle vers le royaume qui n’est pas de ce monde (Luis de León, Thérèse d’Ávila, Jean de la Croix).

Le Siècle d’or

L’Espagne aura eu le génie de donner à ses interrogations particulières des réponses universelles. Ployant sous le poids de son rôle mondial, elle jette un regard sans complaisance sur sa société instable où les traditions féodales se dissolvent lentement dans les pratiques mercantiles. Le héros picaresque va, du Lazarillo de Tormes (1554) au Buscón (1626) de Quevedo, tracer l’épopée parodique de ces conquérants : d’échec en échec, ils s’attachent davantage à l’observation des règles de l’immoralité qui doit leur permettre de réussir dans un monde truqué. Le roman moderne naît avec le Don Quichotte (1605-1615) de Cervantès : les préférences des lettrés vont toutefois aux récits allégoriques de Baltasar Gracián. La littérature espagnole mêle et oppose deux publics (la société de cour cultivée, le peuple des villes) et deux inspirations (profane et sacrée). Nulle part ce mélange n’est plus sensible qu’au théâtre (Tirso de Molina, Lope de Vega, Guillén de Castro, Calderón). La palme de la virtuosité revient à Góngora dont les raffinements de pensée et les arabesques stylistiques font du langage le sujet privilégié du poème.

Révisions et imitations

L’examen de conscience de l’Espagne se poursuit d’abord avec une remarquable lucidité, au début du XVIIIe siècle. L’entreprise critique du bénédictin Feijoo provoque la désaffection pour les genres populaires, et l’imagination et la mémoire se dessèchent dans une littérature moralisante au service de l’idéologie bourgeoise. À la suite de Gaspar Melchor de Jovellanos, l’Espagne « éclairée » s’ouvre aux influences anglaise et française (Leandro Fernández de Moratín, José Cadalso, Juan Meléndez Valdés). Juan Pablo Forner tentera une réhabilitation de la langue et de la littérature espagnoles.
La Restauration, après les guerres napoléoniennes, placera l’Espagne à l’écart de l’Europe. Le romantisme aura du mal à trouver un visage national (José de Espronceda, Ángel Saavedra, José Zorrilla), entre un orientalisme hispano-mauresque et les réactions à une modernité mal perçue. Le costumbrismo nourrit les articles acerbes de Mariano José de Larra, véritable créateur de la prose moderne.
Les influences combinées de Walter Scott, de Balzac et de George Sand mèneront, à travers un type de récit historique moralisateur ou philosophique (Fernán Caballero, Alarcón), au roman psychologique et régionaliste (José María de Pereda, Juan Valera), puis au roman réaliste (Emilia Pardo Bazán, Pérez Galdós). Rubén Darío, poète nicaraguayen et chantre de la civilisation hispanique, aura une influence décisive sur le lyrisme espagnol de la fin du siècle.

Incertitudes et recherches

Les crises internes de la monarchie, la perte de l’empire colonial conduisent nombre d’Espagnols à s’interroger et à réfléchir, bien avant la date fameuse de 1898 (Ángel Ganivet, Miguel de Unamuno). Les écrivains rêvent d’une Espagne idéale qu’ils recherchent dans le passé, dans le paysage austère de la Castille et dans les œuvres des vieux auteurs. À l’influence française s’ajoutent celles des philosophes allemands et des romanciers russes ou anglo-saxons. Valle-Inclán, Pío Baroja, Pérez de Ayala ou Azorín rajeunissent la prose espagnole. Mais Ortega y Gasset impose le genre de l’essai au détriment du roman, même lorsqu’il est à thèse et qu’avec Blasco Ibáñez il jouit d’une résonance internationale.

Le XXe siècle sera cependant d’abord le siècle de la poésie. Si le surréalisme espagnol s’est montré vivace à l’étranger à travers ses peintres (Picasso, Dalí, Miró) et ses cinéastes (Buñuel), le groupe catalan (Foix, Montanya, Cirlot) et celui des Canaries (Westerdahl, Espinosa, Pérez-Minik) ont joué leur rôle dans le renouveau du lyrisme illustré par Antonio Machado et García Lorca. Le symboliste Juan Ramón Jiménez s’impose comme le maître de la « génération de 1927 » (Gerardo Diego, Pedro Salinas, Rafael Alberti, Jorge Guillén). Cependant la guerre civile (1936-1939) clôt une époque d’effervescence et les lettres de la Péninsule se laisseront distancer, sous le régime franquiste, par les littératures d’Amérique latine.

La guerre d’Espagne

Dès le début du conflit, en 1936, une grande majorité d’écrivains proclamèrent leur fidélité à la République et c’est dans leur camp que l’activité littéraire fut la plus intense, comme le montrent les très nombreux périodiques et organes d’unités militaires ou de formations politiques et syndicales, dans lesquels furent publiées des poésies de guerre, parfois dues à des inconnus, surtout des romances, genre qui connut alors un essor remarquable. Plusieurs expériences de renouvellement du répertoire dramatique furent engagées, sans parler du théâtre aux armées, ou « d’urgence », traitant des thèmes d’actualité. Plusieurs écrivains firent alors sous l’uniforme républicain leurs débuts en littérature (Ramón de Garcíasol, Leopoldo de Luis, A. Buero Vallejo, etc.). Antonio Machado publia des poésies et de nombreux articles sur la situation politique espagnole et d’autres, prophétiques, sur le destin de l’Europe. Federico García Lorca, assassiné à Grenade en juillet 1936, fut la première victime de marque de la guerre. En 1942, Miguel Hernández mourait dans la prison d’Alicante. À la fin de la guerre, nombre d’écrivains de Max Aub à Luis Cernuda se résignèrent à l’exil (sauf Vicente Aleixandre, retenu par la maladie à Madrid, où il fut réduit au silence pendant plusieurs années) ; certains se réfugièrent en France (Machado mourut à Collioure en février 1939 ; Max Aub connut les camps de l’Ariège et du Sud algérien) puis se dispersèrent, quand éclata la Seconde Guerre mondiale, dans divers pays d’Amérique latine (surtout au Chili, au Mexique et en Argentine) ou aux États-Unis.
Une fois de plus, comme en 1823 lors du rétablissement de la monarchie absolue, l’Espagne se retrouva en 1939 privée de son élite intellectuelle, et sa littérature, que faisaient rayonner les exilés hors de leur pays, sombra à l’intérieur de ses frontières dans une médiocrité aggravée par une censure pesante. Il fallut attendre les années 1950 pour voir une renaissance de la poésie et du roman espagnols. Les souvenirs ou l’image de la guerre d’Espagne devaient peser lourdement sur les générations suivantes (de José Camilo Cela qui portera le premier témoignage sur le « ténébrisme » à Ana María Matute et Juan Goytisolo) et marquer, dans des perspectives différentes, l’expérience et la création de nombreux écrivains étrangers (de Malraux à Roy Campbell, en passant par Orwell et Hemingway).

Renouveau

Le prix Nobel en 1977 a consacré en Vicente Aleixandre le chantre des valeurs fondamentales, mais le nouveau besoin de communication et de sympathie humaine s’exprime chez Blas de Otero, Gabriel Celaya, Eugenio de Nora, Victoriano Cremer. Si Ramón de Garciasol se veut disciple de Machado et si José García Nieto retrouve une inspiration néoclassique, d’autres mêlent à un amour passionné de leur pays un plus grand souci de recherches formelles (José Hierro, Ángel Crespo, José Agustín Goytisolo, Carlos Barral, José Ángel Valente). Tantôt intimiste et attachée au thème de l’amour, tantôt témoignant de préoccupations sociales (Félix Grande), ou stylistiques (Claudio Rodríguez), la poésie de la nouvelle génération révèle la reconquête des valeurs de l’imagination et de la sensualité.

Quant au roman, d’abord confirmé dans son orientation traditionnellement réaliste (Arturo Barea, Juan Antonio de Zunzunegui, Ramón J. Sender), il se consacre bientôt à l’évocation de la guerre civile et de ses conséquences sociales (Ricardo Fernández de la Reguera, José María Gironella, Miguel Delibes, Ana María Matute, Luis Martín Santos). Mais la génération suivante est formée d’écrivains qui n’ont gardé de la guerre que de lointains souvenirs ; aussi, le nouveau roman espagnol est-il souvent nourri de réminiscences enfantines ayant la guerre pour contexte. C’est surtout la société actuelle que prennent à partie Sánchez Ferlosio (les Eaux du Jarama, 1955), Elena Quiroga (Vent du nord, 1950), Ignacio Aldecoa (Grand Soleil, 1957), Juan Marsé (Lieutenant Bravo, 1987), Antonio Ferres (Huit, sept, six, 1972), Francisco Umbral (Mortel et rose, 1975). Avec Juan Goytisolo, cette « génération du demi-siècle » se montre d’ailleurs très soucieuse de nouveaux modes d’expression, provoquant le renouvellement d’un Cela, d’une Ana María Matute ou les visions fantastiques d’Arrabal.

Le théâtre se montre, lui, plus animé de préoccupations sociales avec Antonio Buero Vallejo, Lauro Olmo, Alfonso Sastre, Francisco Ors Jarrin (Vent d’Europe, 1986) et, surtout, Antonio Gala qui donne avec Séneca (1987) une réflexion sur le pouvoir et la moralité. En quelques années, la littérature espagnole est passée d’« un vieil espoir » à l’expression protéiforme d’une nouvelle sensibilité collective. Les écrivains d’aujourd’hui expérimentent avec frénésie les voie nouvelles de ce qu’ils nomment la fiction, explorant méticuleusement le langage. Ainsi il n’est pas rare que les poètes se convertissent au plaisir narratif, de Félix de Azua (Mansourah, 1984) à Vasquez Montalban (le Pianiste, 1985), inventeur du célèbre détective privé Pepe Carvahlo en 1974. Les figures emblématiques de ce foisonnement de l’écriture sont, entre autres, Julian Rios (Larve, 1983), Juan José Millas (Articontes, 2001), Alvaro Pombo (la Quadrature du cercle, 1999), Javier Marias (Un cœur si blanc, 1997) et Alejandro Gandara (les Premières Paroles de la création, 1998), Almudena Grandes (Atlas de géographie humaine, 1998). La littérature espagnole contemporaine, si elle retrouve la terre ferme du réel, n’entend pas pour autant revenir en arrière : riche de talents et de promesses, elle se diffuse en Europe avec fracas et brio.

http://www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/Espagne/173167#2006687

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Littérature hispano-américaine

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L’histoire de la littérature de l’Amérique espagnole connaît, depuis la conquête, une évolution parallèle à celle de son histoire politique. Pendant toute la période coloniale, elle n’est en effet bien souvent, et malgré quelques traits spécifiques, qu’un avatar, pour ne pas dire une imitation, de celle de la métropole. À partir du début du XIXe siècle, les luttes pour l’indépendance politique entraînent un processus d’indépendance littéraire, aujourd’hui accompli : l’Amérique hispanique s’est dotée d’une littérature authentiquement américaine qui occupe un des tout premiers rangs dans les lettres mondiales. S’il existe des littératures argentine, mexicaine, péruvienne, etc., il est légitime de parler, globalement, d’une littérature hispano-américaine, les écrivains contemporains cherchant ouvertement à atteindre une sorte de « panaméricanisme » qui est l’un des fondements de l’identité culturelle du continent, et qui rejoint le vieux rêve des libérateurs de voir naître, du Rio Grande à la Terre de Feu, un continent unifié et libre, définitivement débarrassé des contraintes de la colonisation ou de l’impérialisme moderne.

De l’imitation à l’émancipation

L’Amérique espagnole se donne très tôt les universités et les imprimeries nécessaires à la diffusion des lettres sur tout le continent. Dans sa première forme, cette littérature est une littérature de chroniques rendant compte de la conquête et de la colonisation administrative ou spirituelle, comme la Véridique Histoire de la Nouvelle Espagne de Bernal Díaz del Castillo, ou l’Histoire des Indes du dominicain Bartolomé de Las Casas. Au Pérou, P. Cieza de León fait le récit de la conquête et Huamán Poma de Ayala traduit des poèmes quechuas, avant que l’Inca Garcilaso de la Vega écrive ses fameux Commentaires royaux. Le Chili a sa grande épopée avec l’Araucana d’Alonso de Ercilla. Le temps des chroniqueurs s’achève : désormais apparaissent des écrivains nés en Amérique, créoles ou métis. Ce sont surtout des poètes, le plus souvent simples épigones de leurs confrères espagnols – parmi eux, cependant, une étoile de première grandeur, la Mexicaine Sor Juana Inés de la Cruz (1648-1695), également philosophe et auteur dramatique.

L’histoire est un genre privilégié, qui provoque une réflexion nourrie par les premiers journaux (le mexicain Gaceta de México, le colombien Diario ou le péruvien Mercurio peruano). Cette réflexion prépare les esprits à recevoir, au XVIIIe siècle, l’influence des « Lumières » européennes : fleurissent alors l’essai historique et politique, les récits de voyage (Concolorcorvo) et une poésie néoclassique qui annonce le romantisme. Le roman, dont l’importation est interdite, ne tardera pas à faire son apparition. Le premier exemple en est le Periquillo Sarniento du Mexicain Fernández de Lizardi (1816).

Les idées d’émancipation entraînent, à partir du début du XIXe siècle, l’essor des essais politiques, pamphlets et libelles, ainsi que celui de la presse. L’art oratoire se développe, avec pour maître le « Libertador », S. Bolívar. Le même sentiment patriotique nourrit les œuvres des poètes préromantiques qui, tel le Cubain J. M. de Heredia, exaltent la nature américaine. L’heure de l’indépendance a sonné, et elle provoque un élan vers tout ce qui est national et, plus largement, américain. Le premier vrai romantique est l’Argentin E. Echeverría. Apparaissent alors dans la poésie et la nouvelle – genre spécifiquement latino-américain – des personnages nouveaux : les Indiens et le gaucho argentin, qui aura son « monument » avec le Martín Fierro de José Hernández, et qui sera le héros d’innombrables récits et œuvres théâtrales. Les auteurs s’attachent à donner à leurs écrits une couleur locale (costumbrismo), qui sera la caractéristique du criollismo, dont le premier représentant est le Chilien A. Blest Gana. Le roman donne ses premiers chefs-d’œuvre avec José Mármol, Jorge Isaacs et, surtout, Sarmiento. Tous ces écrivains s’emploient à dénoncer le mal endémique de l’Amérique latine qu’est la dictature, dénonciation qui se poursuivra jusqu’à nos jours.

L’américanisme et le cosmopolitisme : le secret du modernisme

L’influence européenne – réalisme, naturalisme – se laisse encore largement sentir dans ces œuvres. Mais, en 1880, naît une nouvelle esthétique, proprement américaine, qui à son tour influencera l’Espagne : chargé d’insuffler un esprit nouveau, où se manifeste pleinement l’indépendance idéologique, esthétique et culturelle de la littérature hispano-américaine, le modernisme trouve une expression absolument originale sur l’ensemble du continent. Il se caractérise à la fois par la revendication de l’américanisme et par un cosmopolitisme qui lui permettent d’explorer la totalité du champ artistique universel, dans une forme qui s’efforce de servir le culte de la beauté plastique et de la musicalité : ainsi chez le Cubain José Martí, le Mexicain M. Gutiérrez Nájera, fondateur de la revue Azul, et surtout le Nicaraguayen Rubén Darío. Mais le modernisme se manifeste aussi dans la prose, notamment avec l’Uruguayen J. E. Rodó, le Vénézuélien R. Blanco Fombona et l’Argentin Horacio Quiroga.

Désormais, la littérature hispano-américaine est adulte. Ses auteurs rivalisent avec les meilleurs des autres pays. Le prix Nobel consacre successivement la Chilienne Gabriela Mistral (1945), le Guatémaltèque Miguel Ángel Asturias (1967), le Chilien Pablo Neruda (1971), le Colombien G. García Márquez (1982) et le Mexicain Octavio Paz (1990). Les genres se diversifient et, mis à part le théâtre peut-être, sont illustrés par des œuvres de premier plan. Borges, connu surtout comme un maître de la nouvelle fantastique ou métaphysique, est aussi un poète profondément original. Son compatriote L. Marechal cultive l’ultraïsme, tandis que G. Mistral et l’Uruguayenne Juana de Ibarbourou dominent une floraison de poétesses sensibles et passionnées. Le Chilien V. Huidobro et le Péruvien César Vallejo explorent des voies nouvelles et parfois hermétiques. Mais la grande figure poétique du cône sud est sans conteste Pablo Neruda. À Cuba, la poésie « négriste » a son héraut en la personne de Nicolás Guillén, tandis qu’au Mexique Alfonso Reyes ou Octavio Paz consacrent le renouveau de l’esthétique et de la pensée américanistes.

Le fer de lance : le roman

Le roman, depuis 1920, connaît une vitalité plus grande encore peut-être. D’abord dans trois genres principaux : le roman indigéniste fleurit en particulier dans les pays andins, avec le Bolivien Alcides Árgüedas, l’Équatorien J. Icaza et les Péruviens C. Alegría et J. M. Arguedas ; le roman créole, à caractère social essentiellement, a pour chefs de file le Colombien J. E. Rivera, le Vénézuélien Rómulo Gallegos et l’Argentin R. Güiraldes ; le roman de témoignage est surtout lié aux événements de la révolution mexicaine (1910-1920), avec des auteurs tels M. Azuela, José Vasconcelos, M. L. Guzmán. Agustín Yáñez, pour sa part, s’interroge sur l’identité mexicaine.

Avec Miguel Ángel Asturias, mêlant intimement poésie surréaliste et imaginaire indigène, apparaît le concept de réalisme magique, dont la fortune fut immense auprès de la critique et qui est aussi l’apanage du Cubain Alejo Carpentier, puissant romancier des Caraïbes. Ces « pères » du roman contemporain ont fait école avec les Mexicains Juan Rulfo et Carlos Fuentes, l’Argentin Julio Cortázar, les Péruviens J. R. Ribeyro, M. Vargas Llosa, A. Bryce Echenique et, le plus célèbre d’entre eux, Gabriel García Márquez. Tous ces écrivains, depuis Asturias, ont en commun à la fois leur préoccupation pour une écriture conçue comme un art et leur volonté de témoigner du monde qui les entoure, pour en exalter les beautés et la grandeur mais aussi pour en dénoncer les tares, à commencer par la dictature.

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