Banalisation de la violence barbare à la porte d’un collège français

por (Bernard Boriello)

Carla, 13 ans, tuée pour une “histoire de garçon”

Une jeune fille est décédée près de Montpellier après avoir été agressée devant son collège, lundi midi.

On peut mourir rouée de coups à l’entrée d’un collège français où des "élèves s’agglutinent devant le portail et discutent sous le regard des surveillants" et où des adultes travaillent. Il est vrai que ce n’étaient pas des policiers dont d’ailleurs personne ne veut entendre parler dans les établissements scolaires.

Faut-il donc s’émouvoir pour un acte isolé rangé à la rubrique des "faits divers" ? Car, comme on le dit toujours dans ces cas, il s’agit "d’un établissement habituellement calme" (infra) et, comme à l’accoutumée, une "cellule d’aide psychologique" a été installée.

Ne vous en faites donc pas : l’État, s’il ne veille sur vous, prend au moins en charge votre légitime douleur ; de plus les enfants seront invités à déposer des gerbes et à faire des dessins en mémoire de la victime. Bref, tout va rentrer dans l’ordre jusqu’à la prochaine victime.

Et puis, il y a le témoignage extraordinaire de pénétration d’esprit et de psychologie du maire de Florensac, qui conclut son oraison funèbre par du Bossuet : "’Là, ça a été plus lourd, quoi !"

http://www.youtube.com/watch?v=zX0bGPqdrKA
A l’actif de cet article, un bref rappel des violences de ce type. Bien sûr elles sont largement minorées, seules les voies de fait graves apparaissent dans la presse, le reste n’étant "qu’incivilités".

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Faits divers
Carla, 13 ans, tuée pour une “histoire de garçon”

Une jeune fille est décédée près de Montpellier après avoir été agressée devant son collège, lundi midi.

"Mourir à 13 ans, devant son collège, quelques jours à peine avant d’avoir fini son année scolaire de cinquième. Ce drame insensé s’est produit lundi à la mi-journée au collège Voltaire de Florensac, un village de 4.000 habitants, à une dizaine de kilomètres de Béziers (Hérault). Un établissement de 320 élèves, habituellement calme, et qui lundi était sous le choc à la suite à cet événement dépassant l’entendement. Vers 12 h 30, sous le soleil éclatant qui règne en ce mois de juin sur les bords de la Méditerranée, Carla, 13 ans, est morte sous les coups d’un jeune homme de 14 ans.

Lésions cérébrales

Lundi, il est 12 h 30 lorsque retentit la sonnerie du collège. Très vite, les élèves s’agglutinent devant le portail et discutent sous le regard des surveillants. Carla ne sait pas encore que son agresseur l’attend de pied ferme. Après l’avoir aperçue, l’adolescent, scolarisé à Sète, se dirige vers elle et lui assène « de nombreux coups de poing et de pied à la tête », explique un gendarme. Sous la violence des coups, l’adolescente aurait alors chuté lourdement sur la tête, « ce qui a entraîné des lésions cérébrales graves et deux arrêts cardiaques, un sur place et un pendant son transport en hélicoptère », précise la préfecture de l’Hérault.

Tandis que l’agresseur prend la fuite, les surveillants préviennent immédiatement les secours et l’infirmière du collège. La jeune fille est héliportée au CHU de Montpellier. Malgré tous les efforts du personnel médical, l’adolescente décédera quelques heures après son arrivée aux urgences.

Sur le terrain, les gendarmes investiguent à tout-va. Après avoir obtenu, grâce à de nombreux témoignages, l’identité de l’agresseur, les militaires le contactent et lui intiment l’ordre de se rendre. Ce que l’ado, accompagné de sa mère, ne tarde pas à faire en se présentant à la gendarmerie de Florensac. Pris en charge par les enquêteurs, il est immédiatement transféré à la brigade de recherches de la gendarmerie de Pézenas pour y être auditionné.

Selon les premiers éléments de l’enquête, il semblerait qu’un différend opposait sa sœur, une dénommée Manon, à sa victime présumée, Carla. A l’origine, une banale histoire d’amourette de gamine à l’approche de l’été. Mais qui, ces derniers temps, a pris des proportions hors du commun. Au point que les deux adolescentes en seraient venues aux mains à plusieurs reprises. Selon certains de ses proches, Manon vivait dans la peur : sans le dire à ses parents, elle aurait cessé de se rendre en classe par crainte d’être prise à partie par Carla.
« Il faut désamorcer le truc… »

Selon d’autres jeunes, c’est Manon qui avait tendance à chercher la bagarre. Le 15 juin, dans le centre de Florensac, les deux jeunes filles se sont croisées. Carla serait allée vers Manon et lui aurait immédiatement reproché d’avoir eu un flirt avec un garçon. Coups, griffures, cheveux tirés… les deux adolescentes se seraient battues avant d’être finalement séparées par des amies. La bagarre de trop : Manon aurait alors tout avoué à ses parents et serait, selon certaines sources, allée porter plainte lundi, accompagnée de sa mère, à la gendarmerie pour des violences qualifiées de légères. Pour le maire socialiste de la commune, Vincent Gaudy, ce drame, « profondément navrant », « est parti d’une altercation entre filles qui s’est transformée en règlement de compte ». L’élu a en outre affirmé lundi avoir été informé du différend existant entre les deux jeunes filles, « à propos d’une affaire de cœur », et avait demandé la semaine dernière aux deux familles de prendre contact afin de « désamorcer le truc »… « Aujourd’hui, j’en ai gros sur la patate, a ajouté le maire. Je suis particulièrement affecté, car la jeune fille décédée est la fille d’un ami. »

Cellule d’aide psychologique

« Il ne semble pas qu’il y ait eu une volonté de tuer, l’enquête devrait plutôt s’orienter sur des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner », indiquait hier Patrick Mathé, le procureur de la République de Béziers, qui s’est rendu dans l’après-midi de lundi au collège. A ses côtés, l’inspecteur d’académie et le recteur, ainsi que le sous-préfet de Béziers.

« Une cellule d’urgence médico-psychologique, composée de quatre ou cinq soignants, s’est tout de suite portée auprès des élèves et de l’équipe d’enseignants, précisait lundi le directeur de cabinet du préfet de l’Hérault, Pierre Maitrot. Une prise en charge beaucoup plus longue va être organisée pour tous ceux qui ont besoin de parler. »

Luc Chatel, le ministre de l’Education nationale, qui était attendu mardi en Lozère en compagnie du président Nicolas Sarkozy, devrait se rendre au collège Voltaire, où tout le monde, élèves comme enseignants, était lundi partagé entre le chagrin, l’effarement et la colère après la mort de Carla.

Des précédents tragiques

3 avril 2000 Un élève de 13 ans du collège du Vieux-Chêne, à La Flèche (Sarthe), tue d’un coup de pied dans le cou un camarade qui le frappait durant un cours de gymnastique. Il déclare avoir répondu à une énième provocation.

12 mars 2004 Un lycéen de 16 ans tue d’un coup de couteau un camarade à la sortie d’un lycée professionnel de Lyon. La victime, exclue du lycée pour un acte de violence, reprochait à son adversaire de l’avoir dénoncée.

21 décembre 2006 Carl, élève de 12 ans souffrant d’une malformation cardiaque rare, meurt d’un choc émotionnel après avoir été roué de coups dans une bagarre avec deux camarades de sixième, lors d’un cours d’éducation physique au collège Albert-Camus de Meaux.

26 janvier 2009 A la suite de « rumeurs mal interprétées », selon le procureur, une adolescente de 17 ans blesse mortellement d’un coup de couteau dans la région du cœur son ex-petit ami, un camarade de l’Institut médico-éducatif et professionnel (IMP) de Lutterbach (Haut-Rhin). Il meurt le lendemain.

8 janvier 2010 Hakim, un élève de 18 ans du lycée Darius-Milhaud, au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), est poignardé par un camarade du même âge dans l’établissement et mortellement blessé alors qu’il lui reproche d’avoir interpellé sa sœur avec désinvolture.

22 septembre 2010 Teddy L., un élève du lycée professionnel Batelière à Schoelcher (Martinique), est frappé d’un coup de couteau mortel devant son établissement lors d’une rixe avec des jeunes d’une cité voisine. Il décède durant son transport à l’hôpital.

1er décembre 2010 Le corps d’un collégien de 14 ans, Victor, supposé en fugue, est découvert dans un petit bois à Tahiti. Le 17, deux adolescents de 14 et 17 ans reconnaissent l’avoir tué en le rouant de coups, notamment sur le crâne, après l’avoir entraîné dans le bois pour lui voler son sac et son téléphone.

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