Lundi 18 avril 2011

L’Espagne possède une centrale nucléaire fantôme

C’est une centrale nucléaire unique dans le monde. Un établissement fantôme, qui n’a jamais accueilli le moindre gramme d’uranium dans le cœur de ses deux réacteurs depuis sa construction il y a plus de trente ans. Gardée jour et nuit, elle entretient “la légende et le mystère” dans la bourgade de Lemoniz, dans le nord de l’Espagne, non loin de Bilbao, relate Sud-Ouest.

Le site en ruine, implanté dans la réserve naturelle d’Urdaibai, est protégé par des kilomètres de barbelés rouillés ; une société de sécurité privée assure par ailleurs des rondes jour et nuit pour en interdire l’accès. “Quelques pylônes gigantesques de lignes à haute tension, qui n’ont jamais eu de jus, sont fracassés net en leur sommet. L’image est glaçante. Il y a là un monde de silence et de grisaille en béton qui se fond dans le ciel et dans l’océan des mauvais jours”, raconte le quotidien régional.

Pourquoi n’a-t-elle jamais été mise en service ? En raison de l’opposition locale. Alors qu’aujourd’hui, les militants antinucléaires manifestent régulièrement pour demander l’arrêt des réacteurs, à Lemoniz, la solution adoptée s’est révélée plus extrême : la construction sera stoppée en 1981, pour mettre fin aux grèves, agressions et surtout à l’intervention de l’organisation séparatiste basque ETA, qui entreprit une vague d’attentats - une des bombes tua un ouvrier - et enleva et exécuta l’ingénieur en chef afin d’exiger la destruction de la centrale.

A défaut d’être détruite, la centrale de Lemoniz ne fonctionna donc jamais. Mais cette inactivité a un coût, estimé pour l’instant à 5,8 milliards d’euros. Les contribuables espagnols devront encore payer pendant de longues années les indemnités octroyées par l’Etat à Iberdrola, la société d’électricité à l’origine de la centrale, pour la maintenance du site.

Si les modes opératoires d’ETA pour empêcher la construction ne peuvent aucunement se justifier, cette centrale espagnole pose néanmoins une question cruciale : la grande difficulté à démanteler un site nucléaire. En 2005, la Cour des comptes avait ainsi évalué le coût du démantèlement de la centrale bretonne de Brennilis - qui, elle, a fonctionné - à 482 millions d’euros, soit vingt fois plus que l’estimation initiale de la commission pour la production d’électricité d’origine nucléaire. Des coûts, ainsi que ceux de la maintenance du site de Lemoniz, qui ne sont jamais intégrés au prix du kilowattheure électronucléaire.

Photo : Flickr/[bastian.]

http://ecologie.blog.lemonde.fr/2011/04/18/lespagne-possede-une-centrale-nucleaire-fantome/