Partir étudier à l’étranger : dix conseils pour réussir son séjour

LEMONDE.FR | 14.02.11

NE VOUS EXPATRIEZ PAS TROP TÔT

En théorie, rien ne vous empêche de vous inscrire dès le bac dans n’importe quelle université étrangère. Mais, en pratique, vous serez d’autant mieux accueilli – et aurez généralement moins à payer – si vous avez déjà fait vos preuves dans l’enseignement supérieur français. Ainsi, même si le programme européen Erasmus est ouvert dès lors que vous avez effectué une année d’études dans l’enseignement supérieur, les universités donnent la préférence à ceux qui sont en première année de master – c’est leur dernière chance de partir – puis aux étudiants de troisième année de licence. En langage universitaire mondialisé, on parle de "undergraduate" (avant la licence) et de "postgraduate" (le master). On retrouve sensiblement le même schéma dans les grandes écoles. Les titulaires d’un BTS ou d’un DUT auront, quant à eux, du mal à faire reconnaître un niveau bac+2 peu répandu.

PROFITEZ DU PROGRAMME ERASMUS

Dans le cadre d’Erasmus, les étudiants de tous les établissements d’enseignement supérieur titulaires d’une charte Erasmus (y compris des lycées proposant des BTS) peuvent se rendre dans près de trente pays européens. Ils ne paient aucuns droits d’inscription supplémentaire et voient leur période prise en compte pour l’obtention de leur diplôme par le biais de crédits ECTS. Avec comme contrainte de ne pouvoir partir que dans les universités partenaires. Les grandes écoles de commerce et d’ingénieurs ont, quant à elles, leurs propres programmes d’échanges.

SÉRIEUX ET BON NIVEAU EN LANGUES REQUIS

Pour être sûres de la motivation et de la maturité de ceux qui seront leurs porte-drapeau, les universités sélectionnent les candidats sur dossier. "Nous ne pouvons pas faire partir quelqu’un dont le comportement risquerait de mettre en péril nos relations avec l’université partenaire, commente Anne Salles, en charge de la coordination Erasmus pour la filière langues étrangères appliquées (LEA) de Paris-IV La Sorbonne. La moindre des choses est d’être certain que les candidats sont assidus en cours!" Une sélection d’autant plus nécessaire que les places ne sont pas toujours suffisantes dans les universités partenaires, notamment en Grande-Bretagne.

Le niveau en langues est alors déterminant. Dans le cadre d’un séjour Erasmus, c’est à l’université du pays choisi de déterminer si votre niveau est suffisant. Cela dit, si les universités britanniques demandent parfois de bons résultats aux tests, histoire d’écrémer les candidatures, les autres pays sont plus indulgents, notamment quand les cours sont dispensés en anglais. "Sur place, si vous devez suivre les cours et rédiger dans la langue d’accueil, il est néanmoins possible d’indiquer sur sa copie “étudiant Erasmus”, histoire d’être noté de façon plus clémente sur sa maîtrise de la langue", conseille Anne Salles. Avant de partir, pensez à demander si l’université d’accueil dispense des cours de langue aux étudiants Erasmus.

PASSEZ UN AN MINIMUM DANS LE PAYS D’ACCUEIL

"Un an obligatoirement." Anne Salles est catégorique, c’est la durée minimale pour progresser suffisamment en langue: "Et nous conseillons aux étudiants de rester ensuite dans le pays pour y suivre un stage. C’est d’ailleurs souvent là qu’ils progressent le plus car ils sont dans un environnement vraiment étranger". Dans le cadre d’Erasmus, la durée des séjours peut théoriquement aller de trois mois à un an. "Cela aurait été vraiment dommage de ne partir que six mois, commente Anaïs Nedelka, étudiante nantaise, partie neuf mois à Valladolid, en Espagne, dans le cadre de sa deuxième année de master. Les trois premiers mois, je n’ai vraiment pas vu le temps passer tant j’avais de choses à assimiler; c’est seulement après que j’ai vraiment profité de mon séjour."

APPRENEZ L’ANGLAIS À… STOCKHOLM

Tout le monde veut étudier en anglais, mais les places sont chères en Grande-Bretagne. À Paris-IV, les étudiants de LEA sont ainsi une quarantaine chaque année à vouloir aller à la Queen Mary University de Londres, qui offre… deux places. "En tout, sur 90 candidats, 60 sont finalement partis en 2009-2010, année où nous avons constaté une augmentation de près de 50 % des inscriptions. Ceux qui veulent absolument partir faire de l’anglais vont aussi en Irlande et, de plus en plus, dans les pays scandinaves, pour lesquels les demandent explosent", explique encore Anne Salles.

Si la mobilité européenne est très bien organisée, il est en revanche plus compliqué – et plus coûteux – d’aller outre-Atlantique et, a fortiori, au Brésil ou au Japon. Pas de programme Erasmus dans ces pays, même si universités et grandes écoles passent des accords d’échanges dont on peut profiter. Nombreuses sont les écoles de commerce à avoir même rendu obligatoire une expatriation allant de six mois à un an. Dans ce cas, tout est organisé et vous n’avez qu’à postuler au sein d’un système bien rodé. Si vous partez seul, soyez par exemple conscient, si vous rêvez d’aller aux États-Unis, qu’au-delà du coût élevé des études, le système américain repose par exemple sur des bachelors en quatre ans, suivis de masters en deux ans et qu’il n’est pas forcément systématique de faire reconnaître votre master à l’européenne.

RENSEIGNEZ-VOUS SUR LES DOUBLES DIPLÔMES

Rien n’oblige l’université qui vous reçoit à vous accorder son diplôme. Même dans le cadre des échanges d’étudiants membres de la CGE (Conférence des grandes écoles), le pourcentage de doubles diplômes est inférieur à 16 %. Ce que confirme par exemple Christine Legrand, directrice de la communication et des relations entreprises de CPE, grande école d’ingénieurs lyonnaise: "Sur les 90 accords que nous avons, seuls seize sont de double diplôme. Dans les autres cas, il est possible d’obtenir en plus le diplôme de l’université partenaire, mais généralement en passant six mois de plus sur place." Avant de choisir une école, renseignez-vous donc bien sur ses accords internationaux. À l’Inseec, école de commerce présente à Paris et Bordeaux, "53 accords de doubles diplômes sont ouverts aux étudiants, essentiellement des Masters of Science, dont la moitié en Europe", commente Catherine Lespine, directrice générale du groupe, dont les étudiants peuvent même partir en apprentissage à l’étranger. Pensez également aux programmes Erasmus Mundus, qui permettent depuis la rentrée 2010 d’obtenir un double diplôme.

OPTEZ POUR LES CURSUS LES PLUS INTERNATIONAUX

Partir suivre une partie de son cursus à l’étranger est devenu la norme dans les écoles de commerce ou les instituts d’études politiques. À Sciences Po Rennes comme à l’ESG, grande école de commerce parisienne, la troisième année se passe ainsi obligatoirement à l’étranger. "En tout, nos élèves peuvent partir jusqu’à deux ans et demi et obtenir en plus un bachelor et un master dans les universités partenaires", s’enthousiasme Armand Derhy, son directeur. À l’Edhec de Lille et Nice, "les élèves partent bien sûr obligatoirement à l’étranger, explique son directeur, Olivier Oger. La grande nouveauté est que, depuis la dernière rentrée, tous nos cours sont en anglais à partir de la deuxième année". Mais personne ne peut rivaliser sur ce plan avec ESCP Europe et ses cinq campus (Berlin, Londres, Turin, Madrid et Paris), dont le master en management a été classé premier dans le monde, en 2010, par le magazine britannique "The Financial Times".

Cette volonté de faire partir les étudiants et de leur donner toujours plus de cours en anglais trouve un peu moins d’écho dans les écoles d’ingénieurs, même si la CTI (Commission des titres d’ingénieur) insiste sur la nécessité de confronter les étudiants à l’internationalisation, que ce soit à l’étranger mais aussi dans l’école même. "Nous obligeons tous nos étudiants à partir au moins deux mois à l’étranger pour comprendre d’autres cultures", commente ainsi Gérard Sanpité, directeur de l’Esiea, une école parisienne.

Si vous voulez absolument partir étudier à l’étranger dans le cadre de votre cursus, renseignez-vous bien avant sur la qualité des universités partenaires – vérifiez les labels qu’elles possèdent ou pas – que vous visez et sur ses programmes d’échange. Cherchez bien, car il existe des pépites, comme cet accord qui permet à un étudiant (un seul chaque année!) de Paris-I La Sorbonne de passer une année de master à la New York University sans débourser un centime.

PENSEZ AUX BOURSES ET AUTRES AIDES

Les bourses européennes les plus connues, Erasmus, sont dites d’"incitation" et ne couvrent en aucun cas tous vos frais de déplacement et de logement puisqu’elles sont plafonnées à environ 190 euros par mois. Attention à bien gérer votre budget car elles sont versées en une seule fois au début du séjour. Leur principal avantage est en fait de vous dispenser des frais de scolarité du pays d’accueil. Un complément peut vous être ac—cordé par votre conseil régional (jusqu’à 450 euros par mois dans les régions les plus généreuses), votre université, voire votre conseil général (celui du Nord propose ainsi un complément de 91 euros par mois sur critères sociaux). "En tout, je touchais 750 euros d’aide par mois entre Erasmus, la ville de Paris et la région", se félicite Laelia Dard-Dacot, étudiante de La Sorbonne partie étudier en Suède. Car il faut savoir qu’étudier à l’étranger a un prix, en frais de voyage bien sûr mais aussi en coût de la vie. "Longtemps, les bourses ont même été plus élevées pour ceux qui partaient dans les pays scandinaves. La solution est alors parfois de prendre un petit boulot. À Londres, par exemple, c’est très facile", commente Anne Salles.

Il existe nombre d’autres aides permettant de partir faire ses études dans le monde entier. Pour le Royaume-Uni, il faut frapper à la porte du British Council , où vous trouverez, entre autres, des informations sur les bourses "Entente cordiale", qui permettent de financer à hauteur de 10000 livres sterling (12500 euros) une année de master dans une université britannique. Pour ceux qui rêvent du Nouveau Continent, la Commission franco-américaine – organisme privé à but non lucratif – gère ainsi des bourses Fulbright tout en prodiguant quantité d’informations et de conseils plus généraux.

GÉREZ BIEN LA QUESTION DU LOGEMENT

Tout dépend si vous allez à Londres ou… dans une petite ville espagnole. "À Valladolid, mes amis partis les années précédentes m’avaient dit que je n’aurais aucun mal à trouver un logement sur place. Et effectivement, il ne m’a fallu que deux jours pour trouver une colocation avec une Française et une Espagnole. Le tout pour seulement 130 euros par mois et sans avoir à verser de caution", se souvient Anaïs Nedelka, que l’université avait hébergée la semaine de son arrivée pour lui laisser le temps de chercher un logement. En revanche, à Londres ou à Madrid, mieux vaut s’y prendre à l’avance! Sans compter des problèmes de discipline dans certains pays. Ainsi, un étudiant parti en Corée du Sud avait eu la mauvaise idée de faire venir une amie dans sa chambre, alors que c’était formellement interdit. "Le lendemain matin, son camarade de chambre japonais est allé le dénoncer. Le petit Français s’est retrouvé à la rue une heure après", se souvient trop bien Armand Derhy.

DÉCOUVREZ DE NOUVELLES CULTURES

L’un des intérêts majeurs de l’expatriation est la découverte de processus d’études très différents. "Suivre à la fois des cours de physique du solide et d’histoire du Moyen Âge, voilà ce que vous pouvez faire à Oxford", s’enthousiasme Jean-Hervé Lorenzi, professeur d’économie et président du Cercle des économistes, devant les directeurs d’écoles d’ingénieurs réunis en congrès. "Aux États-Unis, on peut vous donner cent pages à lire pour la semaine suivante et le cours sera consacré à leur commentaire. Si elles n’ont pas été lues, c’est un zéro pointé assuré. Là-bas, ce qui compte, c’est l’esprit critique, les échanges, pas juste d’écouter un cours", commente de son côté Armand Derhy.Alors, universités et écoles préparent sérieusement leurs futurs expatriés. "Nos étudiants bénéficient d’une préparation linguistique et culturelle à la mobilité par les professeurs des universités partenaires qui viennent travailler chez nous", indique ainsi Yves Lecointe, président de l’université de Nantes, championne 2009 pour le nombre d’étudiants partis dans le cadre d’Erasmus.

Le problème est plutôt de faire rentrer les étudiants. "Quand je dirigeais le programme Erasmus à l’université de Boulogne-sur-Mer, se souvient Anne Salles, un étudiant sur deux qui partait en Allemagne ne revenait pas, parce qu’il y avait trouvé l’amour. À tel point que des parents venaient me voir pour me convaincre de dissuader leurs enfants de partir !"
Olivier Rollot

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