"Vélasquez" de Bartolomé Bennassar Éditions de Fallois, 318 pages, 24 €

Noble, Diego Vélasquez ne l’était pas. Son père n’était qu’un notaire ecclésiastique et son grand-père maternel vendait des tissus. D’ailleurs un noble aurait-il choisi d’être peintre, de pratiquer ce “métier vil et mécanique” qui exige l’usage des mains ? Il fallut une dispense pontificale pour que Diego reçoive l’habit de chevalier de l’ordre de Santiago. Avec sa croix rouge, celle qu’il a ajoutée sur la toile des Ménines où il se représente, palette et pinceau à la main, face au roi et à la reine qui viennent d’apparaître sur le seuil de la pièce et dont les images se reflètent dans le miroir. Ultime provocation de l’ancien gamin andalou, devenu un familier de Philippe IV ? De 1623 à sa mort en 1660, Vélasquez voit le roi tous les jours à l’exception des quatre années romaines, lui installe une chaise dans son atelier, conçoit avec lui des projets de rénovation de l’Escorial, de l’Alcazar et le peint une vingtaine de fois. Mais jamais en habit de cour, observe Bartolomé Bennassar : le peintre s’attache à l’homme Philippe et non au roi, lequel lui laisse une totale liberté, acceptant même ses portraits les moins flatteurs. Complicité entre amateurs d’art ? Sans doute, mais aussi une réelle amitié. Une affirmation stupéfiante dans cette Espagne du XVIIe siècle qui accumule barrières et interdits et se crispe en véritables castes. À partir d’indices minuscules, Bennassar tisse l’existence et le caractère du plus secret des peintres dont la biographie avait découragé tous les spécialistes tant elle semblait vide.

Son analyse de l’inventaire de l’appartement du maître est un modèle d’enquête. Jeu gratuit d’érudition ? Jamais. Car l’historien met son immense talent et ses connaissances exceptionnelles au service “du peintre des peintres”. Et cette biographie d’exception, qui multiplie plans et portraits, compose, à l’image des Ménines, un immense tableau, où, autour d’un peintre et de son roi, se rassemble toute l’Espagne du siècle d’or.

Frédéric Valloire

Éditions de Fallois, 318 pages, 24 €.

http://www.valeursactuelles.com/culture/guide-livres/guide-livres-4-novembre20101104.html