Un article de Christian jacomino

Occupons-nous des procédures Ma réponse à la suite de son article.

por (Bernard Boriello)

Je reproduis ci-dessous un article fort intéressant de Christian Jacomino, didacticien, spécialiste de l’enseignement de la lecture, extrait de son site Voix Haute, ainsi que ma réponse faite sur son site et que je reproduis à la suite de son article :

Occupons-nous des procédures

samedi 22 mai 2010, par Christian Jacomino

Notre volonté de bâtir une école pour tous, aussi égalitaire que possible, nous incite à réfléchir et à débattre sur les objectifs (conçus en termes de compétences à atteindre), sur l’organisation systémique d’un édifice fortement centralisé et sur les moyens budgétaires toujours insuffisants à mettre en œuvre. Or, de nombreuses études montrent que notre système d’enseignement est de moins en moins égalitaire - moins encore que celui des pays voisins où les questions de valeurs et de principes ne font pas oublier la nécessaire prise en compte de l’efficacité [1].

La question des procédures pédagogiques est la grande absente de nos débats. On n’en finit pas de définir les compétences dont il nous paraît juste et indispensable que tous les élèves les acquièrent. On veut surtout n’en oublier aucune, dans aucun domaine. Mais on se soucie beaucoup moins de décrire les activités pédagogiques concrètes qui permettront de les atteindre, si cela est possible. Et on se soucie moins encore de favoriser l’expérimentation pédagogique dans les classes, grâce à quoi il serait possible d’améliorer les démarches et de fabriquer les matériels les mieux adaptés.

L’objectif pertinent n’est pas celui que l’on devrait atteindre mais celui que l’on peut atteindre. La question n’est pas de savoir s’il est juste et bon que tous les élèves sachent l’orthographe. Elle est de savoir comment enseigner l’orthographe, de manière telle que les bases en soient solidement acquises par un nombre toujours plus important d’élèves. Et la réponse à cette question n’est bien sûr pas définitive. Elle suppose que notre système éducatif place l’expérimentation pédagogique au cœur de son fonctionnement, alors qu’aujourd’hui elle ne figure nulle part.

L’efficacité de cette énorme machine s’améliorera quand un certain nombre d’établissements seront désignés comme centres de recherche et de formation. Des équipes s’y constitueront pour expérimenter des procédures, pour les évaluer, les améliorer, ainsi que pour concevoir et produire le matériel nécessaire à leur mise en œuvre. Et les jeunes professeurs se formeront dans les classes de ces établissements, où ils seront stagiaires. Un peu comme on voit aujourd’hui les internes dans les C.H.U.

Quand l’élève sera enfin (re)placé au centre du système éducatif, on ne reprochera plus aux agrégés d’être « trop pointus » pour la tâche qui leur est demandée - et qui ne consiste pas toujours, en effet, à enseigner dans les classes préparatoires. On se plaindra au contraire qu’ils ne le soient pas assez (pointus) pour enseigner dans des classes de collèges ou de lycées professionnels. Et l’on fera en sorte que leur formation porte moins sur l’écriture de Flaubert, de Céline ou de J.M.G. Le Clézio, et davantage sur la didactique de la grammaire et de l’orthographe.
Notes

[1] Voir, en particulier, « Le déni de l’échec », de Gilbert Bereziat [+].

http://voixhaute.com/spip/spip.php?page=forum&id_article=259


Enseignement par compétences et procédures


Par Bernard Boriello.

Enseignant d’espagnol, je souscris entièrement au point de vue exprimé dans cet article quant à la nécessité "de décrire les activités pédagogiques concrètes" qui permettront d’atteindre les compétences attendues.

Hélas, en langue vivante, nous empruntons le chemin inverse dans la mesure où le postulat auquel il nous est aujourd’hui demandé de nous conformer est celui d’une exposition de l’élève à un document authentique non didactisé (une interview, une vidéo, un spot publicitaire, sans aucune fiche d’accompagnement pour en faciliter la compréhension).

Cette seule exposition "médiatique" à la langue est censée suffire à l’imprégnation de ses structures, pourvu que l’apprentissage se fasse de façon dialogique, sous forme de saynètes jouées par les élèves.

L’argument paraît bien mince, sans parler de l’aspect forcément tautologique d’un apprentissage qui privilégie l’apport de "l’apprenant", i. e. l’élève, sur celui du "facilitateur d’apprentissage", i. e. le professeur, et ce, sans préjuger de la valeur culturelle des documents authentiques qui servent de support ou de prétexte à cet apprentissage.

Aujourd’hui, nous manquons du recul suffisant pour mesurer tous les effets de ces nouvelles dispositions. De l’aveu des collègues qui se sont engagés dans cette voie, les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances. En d’autres termes, le niveau ne monte pas. Plus grave, cette tendance à la généralisation de l’enseignement par compétences s’étend à toutes les disciplines, y compris celles scientifiques, sans qu’un bilan eût été préalablement dressé de façon expérimentale dans des établissements pilotes.

L’enseignement par compétences risque donc de se voir condamner à terme moins pour sa valeur intrinsèque que pour n’avoir pas su "améliorer les démarches et /.../ fabriquer les matériels les mieux adaptés", comme le propose très justement Christian Jacomino.