La crise vue d’Espagne (Crisis)

Des vies sous « hypothèque » à Madrid

La « fièvre de la brique » espagnole s’est apaisée. Elle laisse derrière elle des villes fantômes, des forêts de grues immobilisées et des centaines de milliers de chômeurs. Cette enquête dans la communauté autonome de Madrid souligne l’engrenage de l’endettement dans lequel les familles se sont laissé entraîner.
Par Raúl Guillén

La crise ne se promène pas dans les rues de Madrid, même si l’Espagne est sans doute l’un des pays les plus touchés par la récession de l’économie mondiale. La vie suit son cours. Certes, les travailleurs licenciés ou, plus encore, ceux dont le contrat temporaire n’a pas été renouvelé expriment de temps à autre leur colère. Certes, on se serre un peu la ceinture : « Dans les supermarchés, toutes les ventes ont chuté. Les seules à augmenter sont celles des produits de bas de gamme », soutient l’employé d’un centre commercial. Il y a aussi moins de monde dans les bars à l’heure de l’apéritif, les terrasses paraissent moins bruyantes le soir, et la nuit madrilène est moins bigarrée.

Les annonces « à vendre », plus nombreuses aux balcons des immeubles, témoignent des changements. Et il suffit de jeter un œil sur la vitrine de n’importe quelle agence immobilière pour vérifier l’effondrement des prix. Ainsi à Aluche, une banlieue populaire, un appartement de 65 mètres carrés, situé au troisième étage avec ascenseur, était vendu 240 000 euros en 2006. Trois ans plus tard, des logements de ce type se vendent 160 000 ou 170 000 euros. Les sociétés immobilières ont fermé plus de 40 % de leurs agences depuis 2007. Néanmoins, quand on pousse la porte de l’une d’elles, les visages sont aimables et souriants : les affaires continuent. 86 % des Espagnols sont propriétaires — un modèle pour ceux, tel M. Nicolas Sarkozy, qui veulent encourager l’accès à la propriété en guise de politique du logement (1).

Dans les faits, cet accès ouvre surtout sur... un endettement de longue durée. Entre 2004 et 2007, cinq millions de crédits avec garantie hypothécaire ont été octroyés pour l’achat de logements. Une situation si fréquente que l’expression « avoir une hypothèque » est passée dans le langage courant. Parallèlement ont proliféré les prêts à la consommation — le plus souvent garantis sur le bien immobilier —, les cartes de crédit, les crédits rapides accordés par des sociétés financières — dont les taux d’intérêt atteignent parfois 25 % — tout comme les entreprises privées de rachat de crédits. Au point que certains prêts ne sont plus associés à l’achat d’un bien concret, mais deviennent un produit de consommation à part entière. Il est ainsi habituel de recevoir des publicités ou des appels téléphoniques informant que des sommes de plusieurs milliers d’euros sont « mises à votre disposition » pour être dépensées « comme vous voulez ». Cette prolifération incontrôlée du crédit et de l’endettement pèse fortement sur les ménages. Au dernier trimestre 2008, le rapport entre la dette et les revenus de base disponibles (le ratio d’endettement) atteignait 125 %, contre 88,9 % en France. En 2008, les impayés des crédits hypothécaires se sont accrus de 310 %, et 2,7 millions de personnes ont fini l’année sans pouvoir acquitter leurs dettes. Pour 2009, on prévoit cinq cent mille mises en demeure pour des crédits personnels impayés, ainsi que plus de quatre-vingt-six mille saisies hypothécaires, soit trois fois plus qu’en 2007 (2).
La hausse des prix
fut un encouragement psychologique

Comment en est-on arrivé là ? Pour le comprendre, il faut revenir sur le rôle des agences immobilières (3). Après avoir affirmé que c’est le « meilleur moment pour acheter », l’agence offre une « étude financière », gratuite et sans engagement, destinée à évaluer ce que le futur acheteur sera en mesure de payer et le bien auquel il peut prétendre. Elle propose même de démarcher ultérieurement un crédit auprès de la banque. Dans le calcul sont pris en compte le salaire, les revenus non déclarés — ou revenus « B », comme on les appelle par euphémisme —, l’épargne et les garanties familiales. L’agence dévoile également les secrets de l’« évaluation », c’est-à-dire l’estimation du prix du logement réalisée par des entreprises certifiées qui détermineront la valeur du futur prêt. Le montant de l’évaluation, sur lequel l’agence peut influer, sert ensuite de référence à la banque pour accorder le crédit. Ce dernier doit également permettre de couvrir les frais additionnels : impôts, actes notariés et, bien sûr, commissions des intermédiaires (de l’agence en question, de la société financière et de la banque). Le paiement s’échelonne sur trente, trente-cinq ou quarante ans, en prenant soin que les mensualités ne dépassent pas 40 % de vos revenus. On vous laisse toutefois entrevoir la possibilité de les augmenter un peu, surtout si vous gagnez aussi de l’argent « B »...

Lors du boom immobilier, les évaluations gonflées, la prolifération des intermédiaires, les crédits octroyés aux limites des possibilités de paiement étaient des pratiques courantes. Et il n’est guère surprenant que, désormais, nombre de personnes ayant commencé à payer des « hypothèques » se retrouvent dans l’incapacité de les honorer.

Ester et Angel ont décidé d’acheter un logement en 2004 (4). « Je ne me suis même pas posé la question de la location, reconnaît Ester. Je n’y ai pas pensé. » Il est vrai que l’Espagne connaît une pénurie de logements à louer, les autorités ayant toujours encouragé l’accès à la propriété par des dispositions fiscales et des facilités de crédit. Les parents d’Ester, quoique travaillant à Madrid, ont successivement vécu dans les cités-dortoirs du sud de la ville, où le prix de vente des apartements était accessible : Leganés (à 11 kilomètres), Fuenlabrada (à 22 kilomètres), Valdemoro (à 27 kilomètres) et, finalement, Seseña (à 36 kilomètres). Aussi exceptionnel soit-il, ce périple résidentiel rend compte de la manière dont la revalorisation immobilière et la plus-value qu’elle autorise ont permis d’acquérir un meilleur logement — une maison avec jardin, en dernier lieu — mais à condition de s’éloigner toujours plus de la capitale. Dès la fin des années 1980, les prix de l’immobilier ont connu une augmentation régulière. Il n’était même pas nécessaire d’avoir fini de payer son logement pour le vendre, rembourser l’ancienne « hypothèque », financer une partie du nouveau et faire une autre « hypothèque » pour en payer le reste.

Bien qu’Ester et Angel n’aient pas réfléchi à cette valorisation continue au moment de l’achat, la hausse des prix — 18 % en 2004 — fut un encouragement psychologique important. L’idée que « payer un loyer, c’est jeter de l’argent par la fenêtre » relevait pratiquement de l’évidence. « L’idée fixe, c’était d’avoir quelque chose à soi, explique Ester. Mais personne ne s’en rendait compte, tout le monde s’embarquait, tous tes amis achetaient une maison. Je me souviens avoir dit à mon mari : “Soit on s’embarque maintenant [dans l’achat d’un logement], soit on laisse passer, parce que ça va devenir de plus en plus cher.” »

Tous deux travaillent à Madrid, mais ils se décident pour un F4 de 64 mètres carrés que leur montre l’agence à Valdemoro et qui coûte 165 000 euros. Ils demandent un crédit personnel destiné à l’acompte, soit 9 000 euros, qu’ils pensent rembourser rapidement grâce à la différence entre l’évaluation et le prix réel du logement. La signature devant notaire se fait ensuite rapidement, sans accès préalable aux documents, ce qui est pourtant un droit. Plusieurs changements de dernière minute modifient les conditions du prêt, ce dont Ester se souviendra plus tard avec amertume : « Tout était déjà en marche. Mes parents, qui étaient les garants, et les propriétaires de l’appartement étaient là. Ils ne voulaient pas perdre l’appartement ni l’argent de l’acompte. Mais maintenant, il m’arrive de me demander : et si j’avais dit devant tous ces gens si bien fringués — dans le bureau, outre le notaire, étaient présents le directeur et le sous-directeur de la banque, la jeune femme de l’agence et deux représentants de la banque —, si j’avais dit, quitte à ce qu’on me prenne pour une folle : “Ben moi, désolée, je ne signe pas” ? C’est ce que j’aurais dû faire. Mais avec quelle force ou avec quelle clairvoyance aurais-je pu faire une chose pareille ? A ce moment-là, mon idée était de m’acheter un appartement. J’étais complètement aveuglée par le fait qu’il était déjà à nous, qu’il n’y avait plus qu’à signer. En plus, la date limite pour la vente, c’était ce jour-là. »

Ils acceptent ainsi une « hypothèque » de quarante ans, mais en s’engageant auprès d’une banque qu’ils n’avaient pas choisie, avec un intérêt légèrement supérieur à celui précédemment annoncé et pour un montant de 189 000 euros... Ce à quoi s’ajoutent les actes et les taxes, qui représentent généralement 10 % du prix de l’appartement, mais qui, dans le cas d’Ester et Angel, montent à 14,5 %. Plus question de rembourser le crédit de 9 000 euros : l’agence immobilière en a déjà pris 6 000. Ils découvrent que le droit de désistement n’est pas reconnu par la législation espagnole dès lors que les parties sont physiquement présentes lors de la signature du contrat. Comme la plupart des ménages, c’est dans l’opacité la plus totale qu’ils ont signé un contrat financier qui engage une part considérable de leurs revenus pour le restant de leur vie. Mais ils se rassurent en pensant que, en dernier recours, il leur sera toujours possible de revendre leur logement rapidement et de faire des bénéfices...

Comme prévu, Ester et Angel commencent à payer des mensualités de 770 euros, ce qui représente 38 % de leurs revenus. Un an après l’achat, Ester est congédiée de l’entreprise où elle travaillait comme auxiliaire administrative. Elle est alors enceinte et soupçonne que c’est la raison de son renvoi. Mais, en Espagne, le licenciement sans cause avérée n’entraîne pas de grosses difficultés pour les employeurs : il suffit de verser dans les quarante-huit heures l’indemnisation fixée par la loi, correspondant à quarante-cinq jours par année travaillée. A partir de ce moment et jusqu’en 2008, Ester parvient seulement à enchaîner des emplois temporaires, comme presque 30 % des travailleurs espagnols. Ensuite, elle ne retrouve plus de travail.
Aucune loi
sur le surendettement des ménages

Durant l’année 2008, le relèvement des taux d’intérêt fait passer la mensualité à... 1 130 euros. A peu près au même moment, Angel est licencié à son tour. Pour la première fois, le couple ne peut payer les traites. Il décide de ne pas faire appel à la famille. « On pensait régulariser le mois suivant et, au pire, on pouvait retirer de l’argent avec la carte de crédit pour le reverser sur le compte. Mais on n’a pas pu payer et ça a fait boule de neige. » Angel retrouve finalement du travail. Le couple entame des négociations pour régler les retards, mais reçoit une mise en demeure menaçant d’une saisie de l’appartement. La solution proposée par la banque ? Contracter un nouveau crédit pour couvrir la dette en instance. Ester et Angel doivent donc ajouter un plan d’épargne aux conditions déjà exigées lors de la signature de l’« hypothèque » (ouverture d’un compte, souscription d’une assurance-vie et d’une assurance-habitation auprès de l’entité) et accepter une augmentation du « différentiel », le pourcentage qu’ajoute la banque au taux d’intérêt de base. L’une des clauses du nouveau contrat stipule un seuil plancher des intérêts de 3,6 %. Nous sommes précisément à la fin de l’année 2008, c’est-à-dire au moment où les taux officiels commencent à passer en dessous de ce seuil...

Scandalisés par ce qu’ils considèrent comme un nouvel abus, Ester et Angel rejettent l’offre et continuent à payer comme ils le peuvent, sans s’être acquittés des retards, en attendant de trouver un moyen pour mettre un terme à la menace d’exécution hypothécaire. En effet, en Espagne, il n’existe aucune loi sur le surendettement des ménages qui permette aux particuliers de faire face à ce type de situation. En dernier recours, les parents d’Ester sont prêts à demander un crédit pour les aider. C’est aussi une manière d’éviter que ne soit saisie la caution qu’ils ont engagée.

Bien que cela lui pèse, Ester considère désormais que « plus tu te comportes comme un pirate, mieux tu réussis dans la vie. Je pars maintenant du principe que tous ceux qui m’entourent vont me tromper ». Cela vaut d’abord pour les banques. Elle calcule ce qu’elle finira par payer : 369 600 euros avec les intérêts, pour un appartement vendu 165 000. « Je souhaitais faire d’autres choses, regrette-t-elle, je voulais étudier, passer mon baccalauréat. Et la réalité, c’est qu’aujourd’hui je me retrouve avec un appartement et rien d’autre. »
A la recherche de petits travaux
pour remonter la pente

Les problèmes de Victor, divorcé avec deux enfants, proviennent au moins autant de l’augmentation des taux d’intérêt que des difficultés de son entreprise. Employé dans le service design d’une fabrique de meubles, il touche 1 000 euros mensuels de salaire fixe mais, en période d’activité normale, s’y ajoute une partie « B » de 600 à 800 euros. Il vit et travaille à Fuensalida, une ville de la province de Tolède, à 70 kilomètres de Madrid. Si lui habite à cinq minutes de son travail, nombreux sont les habitants qui travaillent dans la capitale. En 2005, il a acheté un appartement de 115 mètres carrés pour 159 000 euros. Il n’est pas passé par une agence immobilière et a demandé directement un crédit à sa banque. Il a couvert les frais de transaction avec son épargne et a pu obtenir le crédit pour le total de l’« évaluation » grâce à sa mère, qui s’est portée caution. A cette époque, les loyers dans cette zone s’élevaient à 400-500 euros, ce qui équivaut pratiquement au montant de la mensualité qu’on lui propose — 521 euros — pour une « hypothèque » de quarante ans. « Au lieu de payer pour quelque chose qui ne sera pas à toi, raconte-t-il, j’ai préféré m’engager dans l’achat d’un appartement. »

Le taux d’intérêt annuel est de 2,5 % pendant la première année. A partir de l’année suivante, on lui applique le taux d’intérêt variable qui régit le reste de son crédit, soit le taux de base interbancaire européen — l’Euribor, acronyme de European Interbank Offered Rate (5) — plus un « différentiel » de 1,25 %. En 2006, lors de la renégociation annuelle, ses mensualités passent ainsi à 648 euros, puis à 758 euros en 2007 et, finalement, à 830 euros en 2008. Dans la mesure où les intérêts ont un poids plus important au cours des premières années, les augmentations de taux provoquent ces énormes variations. En même temps, la part des revenus « B » de Victor disparaît complètement lorsque son entreprise commence à subir les effets de la crise. C’est donc avec un salaire de 1 000 euros qu’il doit couvrir l’ensemble de ses frais. En mai 2009, il demande un crédit personnel de 12 000 euros pour faire face à plusieurs dépenses, dont la communion de sa fille. « Lorsque j’ai commencé à avoir vraiment des difficultés, je me suis mis à entraîner une équipe de football junior après le travail et, les week-ends, j’essayais de faire des petits travaux, du bricolage, n’importe quoi pour essayer de remonter la pente. J’ai aussi un permis poids lourd pour faire des trajets courts mais, pour l’instant, ça n’a rien donné. Tous les jours, je sors de chez moi à 8 heures du matin et je ne reviens jamais avant 21 heures. Je ne travaille pas moins de soixante ou soixante-cinq heures par semaine, en tirant toujours le diable par la queue pour avoir un peu d’argent et payer. Mais quand je suis débiteur, je retire avec la carte de crédit et je reverse sur le compte. » Jusqu’au mois suivant, où les intérêts s’ajoutent aux mensualités existantes des crédits immobilier et personnel...
Pour la banque,
le risque est presque nul

Victor a tenté de modifier les conditions de son « hypothèque ». En vain : les réponses sont toujours négatives car son appartement a perdu de sa valeur. « Et ne songe surtout pas à cesser les paiements ! Ici, ce n’est pas comme aux Etats-Unis, où tu restitues le logement et où la dette est soldée. Ici, la banque te prend le logement et, lorsqu’il est vendu aux enchères, la différence entre la valeur du prêt et celle de la vente, tu continues à la devoir. Ensuite, ils s’en prennent à tes garants et, si ce n’est pas suffisant, à tout ce qu’ils pourront prélever sur ton compte. » De fait, seul le salaire est dans une certaine mesure protégé contre la saisie pour dettes. Comme dans tous les pays de tradition de droit romain, un débiteur répond de sa dette avec tous ses biens présents et futurs, ce à quoi s’ajoutent d’autres types de garanties comme les cautions.

Ainsi, pour la banque, le risque du prêt est pratiquement nul, une fois retirés les coûts des diverses procédures judiciaires éventuellement engagées. Pour couronner le tout, un décret-loi (n° 716/2009), publié le 2 mai 2009, permet à la banque d’exiger des garanties supplémentaires si l’immeuble a perdu plus de 20 % de la valeur de l’estimation initiale. A défaut de lois de surendettement ou d’interventions publiques d’aide aux particuliers, le crédit privé est la seule issue. Et, en dernier recours, interviennent des entreprises de crédit rapide, pratiquant des intérêts que certains n’hésitent pas à considérer comme usuraires.

Aussi longtemps que la banque n’accepte aucun changement, la seule possibilité pour Victor, outre l’aide que peut lui apporter sa famille, est de tenir jusqu’à la prochaine renégociation de l’« hypothèque » et d’espérer que les taux d’intérêt se maintiendront aux niveaux historiquement bas d’aujourd’hui... Sous l’action conjointe de la Banque centrale européenne (BCE), des opérations de sauvetage des banques et des injections de liquidités, l’Euribor s’est en effet fixé à 1,77 % en avril 2009. Compte tenu des hauts montants d’endettement et des effets directs des cycles du marché financier, les ménages espagnols ont développé une grande familiarité avec les taux d’intérêt du marché interbancaire. Au point que Victor voit bien ce que l’on pourrait faire : « Au lieu d’aider les banques, il suffirait qu’on accélère les renégociations des hypothèques aux taux actuels, ou qu’on crée une banque hypothécaire publique, comme il y en avait avant, qui puisse racheter les dettes des gens qui ont des difficultés, et qu’on applique tout de suite les taux actuels. » C’est même l’une des seules perspectives pour beaucoup de propriétaires endettés en Espagne.

Les migrants souffrent plus encore de la situation. Près de cinq cent mille familles migrantes ont des « hypothèques », et les abus qu’elles subissent — notamment des crédits aux taux croissants, des différentiels plus élevés — sont plus graves. Fin 2008, six cent trente-quatre mille huit cents étrangers sur les cinq millions deux cent mille qui résident en Espagne figuraient dans les « registres des mauvais payeurs » (6). Les associations de consommateurs ou de quartier qui assistent les personnes confrontées à des problèmes d’endettement reçoivent majoritairement des migrants. Et pour cause : ils sont plus dépourvus que les autochtones de réseaux de soutien, les taux de chômage sont supérieurs (7) et ils sont soumis à des pratiques de crédits en chaîne qui impliquent plusieurs familles au moment où l’une d’elles cesse le paiement.

« Le profil de sortie de la récession [en Espagne] est plus lent que celui de la moyenne de la zone euro, et cela s’explique par la situation du secteur du logement », déclarait le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires Joaquín Almunia, prévoyant un « ajustement plus prolongé (8) ». « Ajustement » qui suppose plusieurs milliers d’exécutions hypothécaires, l’absorption par les banques de l’épargne des ménages et un accroissement de la précarité de l’emploi et du travail au noir. Quant aux familles qui ont tenu le coup, elles risquent de voir leur endettement grimper avec un relèvement (prévisible) des taux d’intérêt.

Raúl Guillén

http://www.monde-diplomatique.fr/2009/07/GUILLEN/17571