Redécouvrir le Machu Picchu

Après le nord-américain Hiram Bingham, un allemand, pseudo découvreur et pilleur du Machu Picchu Un empresario saqueó Machu Picchu casi medio siglo antes del descubrimiento ’oficial’ de la ciudadela

Le fameux temple inca n’a pas été découvert par Indiana Jones. Ni par Bingham, un archéologue américain, comme le prétend l’Histoire. Un Allemand l’aurait devancé, relate The Independent. Mais tous l’ont pillé.

En 1911, quand Hiram Bingham atteignit le Machu Picchu, guidé par des Péruviens, la découverte fit du professeur de l’université [américaine] Yale un homme à la fois riche et très respecté. Avant que son livre sur le site, La Fabuleuse Découverte de la cité perdue des Incas (Pygmalion, 1997), ne devienne un best-seller, il avait enseigné à l’université Harvard et à celle de Princeton, et occupé les fonctions de sénateur et de gouverneur du Connecticut. Il exerçait une telle influence sur l’archéologie au début du XXe siècle que quelques-uns ont même avancé qu’il aurait pu servir de modèle au personnage d’Indiana Jones.

Mais peut-être les revendications de Bingham sont-elles sujettes à caution, lui qui affirmait avoir été le premier à trouver la cité perdue des Incas au Pérou. A la lueur de recherches approfondies menées par un historien américain, Paolo Greer, il semblerait que la cité ait en réalité été découverte quelque quarante ans plus tôt par un homme d’affaires allemand.

On sait peu de choses d’Augusto Berns, obscur entrepreneur aujourd’hui presque oublié, mais des documents retrouvés dans les archives américaines et péruviennes par Greer montrent que Berns aurait découvert le site archéologique le plus célèbre du Pérou en 1867, avant d’établir une société qui s’employa à piller le Machu Picchu et alentour.

Berns, qui avait fondé une modeste affaire de fabrication de traverses au Pérou dans les années 1860, tomba sur les ruines du Machu Picchu après avoir acheté des terrains limitrophes destinés à l’exploitation forestière. Il se lança alors dans l’exploration de la citadelle, de 1867 à 1870.

Dans les archives péruviennes, des documents rédigés de la main de Berns relatent comment l’entrepreneur a retrouvé des structures souterraines scellées. Bernes prédisait qu’elles "contiendraient sans aucun doute des objets de grande valeur", les "trésors des Incas". Son entreprise, la Companhia Anonima Explotadora de las Huascas del Inca (Société anonyme d’exploitation des sites incas), bénéficiait de l’appui de certaines des personnalités les plus importantes du Pérou, dont le président de l’époque, Andres Avelino Caceres.

En 1887, le gouvernement péruvien consentit au pillage du Machu Picchu, concluant même avec Berns un accord qui l’autorisait à exporter ses trouvailles s’il en attribuait 10 % au gouvernement. Un des associés de Berns aurait été le directeur de la bibliothèque nationale du Pérou. Le vice-président de l’entreprise était professeur de pathologie à l’université de Lima et collectionneur d’antiquités – il vendit ensuite sa collection à un musée de Berlin.

Le Machu Picchu fut construit au XVe siècle par l’empereur inca Pachacuti, qui y fut probablement inhumé (il mourut en 1471). La cité disposait d’un temple important dédié au Soleil qui, comme la tombe de Pachacuti, était orné d’une grande quantité d’or. Cet or fut en grande partie dilapidé en 1532, quand les Incas tentèrent en vain de verser une rançon pour récupérer leur dernier empereur régnant, Atahualpa, fait prisonnier par les conquistadores espagnols. Mais on peut supposer que Berns trouva dans l’édifice nombre de céramiques précieuses – qui n’avaient pas servi pour la rançon.

Ces révélations surviennent alors que les Péruviens exigent de plus en plus fermement que leur soient restituées les pièces trouvées par Hiram Bingham au Machu Picchu, dont des milliers de tessons de céramique et des ossements actuellement conservés à l’université Yale.
Paolo Greer a lancé un appel à l’aide internationale pour retrouver les trésors perdus des Incas. Il a dressé une liste de 57 contacts de Berns – des Américains, des Britanniques, entre autres, qui auraient pu acheter des objets retrouvés par l’Allemand au Machu Picchu. Mais, jusqu’à présent, aucun catalogue n’a été retrouvé. Les recherches vont maintenant s’étendre aux Etats-Unis et en Europe, dans l’espoir de remonter la piste de ces trésors perdus jusqu’à des collections privées.

Repères

• Edifié dans les Andes, à 2 400 mètres d’altitude, le Machu Picchu (qui signifie "vieille montage", en quechua) servait de tombeau, à l’instar des pyramides égyptiennes. Il abritait aussi, selon les spécialistes, des salles où se déroulaient des assemblées et cérémonies secrètes rassemblant les quelque 200 à 300 dignitaires incas.
• Le site est inscrit depuis 1983 au Patrimoine mondial de l’humanité. L’an dernier, il a été désigné comme l’une des Sept Nouvelles Merveilles du monde.

http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=86950